Tournent, les ailes du moulin
L’énergie du vent était indispensable autrefois pour moudre le grain et la campagne est encore couverte de tours abandonnées, vestiges du passé. Cependant, grâce à la persévérance d’amoureux du patrimoine, il est encore possible d’imaginer le rôle joué par les meuniers, à une époque déjà lointaine.
Verdelais, célèbre pour sa basilique et ses pèlerinages, se glorifie aussi de posséder un des rares moulins d’Aquitaine en état de fonctionner.
Là-haut sur la colline
Des congrégations qui se sont succédé autour de l’église, celle des moines célestins a laissé sa trace dans l’amélioration des conditions de vie des habitants dont ils avaient la charge, appliquant à la lettre la prière : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Remarquant le vent qui souffle continuellement au sommet d’une colline nommée le Mont de Cussol, ils ont entrepris la construction de moulins au début du 18esiècle. Selon Denis Apert, « il y en aurait eu vraisemblablement trois qui s’ajoutaient à deux moulins bâtis sur la rivière », ce qui dénotela présence de cultures céréalières et une population à nourrir.
Puis les temps ont changé, apportant l’énergie électrique ; des minoteries se sont créées, attirant les paysans vers un service plus rapide. Le moulin a été délaissé, son entretien négligé et, progressivement, la bâtisse est tombée en ruine.
Amis du Moulin de Cussol
Mais c’était compter sans la ténacité d’une poignée d’hommes. La municipalité s’est émue et a racheté le monument en 1997 tandis qu’Alain Bord, qui connaît les moindres murs de son village, rassemblait d’autres passionnés et fondait l’association « Les Amis du Moulin ». Une aventure commençait pour ces Verdelaisiens décidés. Ils ont frappé aux portes et sollicité des subventions, se sont mis en rapport avec des artisans.
Bientôt, la tour cylindrique dont le diamètre intérieur est de 3,50 m et extérieur de 5,30 m (soit une épaisseur de mur de 90 cm) s’éleva à une hauteur de 7,80 m.
Le rez-de-chaussée comporte deux portes opposées, permettant l’accès quelle que soit l’orientation des ailes. Le meunier Denis Apert gravit un escalier de pierre jusqu’à son lieu de travail, au second étage. Là, il s’extasie sur la charpente élaborée par un artisan de Marmande : « Il l’a montée dans son atelier, se remémore-t-il, puis l’a installée sur place. Le toit, conique, permet de loger le rouet et pivote à 360° à l’aide d’un gouvernail que l’on manœuvre depuis le sol pour mettre les ailes face au vent. Il a fallu tout de même sept espèces de bois pour fabriquer l’arbre des ailes, le pignon intermédiaire, etc. »
Le moulin, achevé en 2008, a fière allure avec ses ailes tournant au gré des vents ! Pour comprendre son maniement, suivons la visite guidée de ses Amis.
Meunier, ne dors pas, écoute le vent !
Ponctuellement, l’édifice revit. Au dehors, la bise souffle mais il n’en a cure, il en a vu bien d’autres. Ses ailes tournent régulièrement à douze tours par minute, transmettant cette vitesse aux deux meules placées à l’intérieur (l’une fixe et l’autre mobile) dont le frottement broie le grain versé dans un goulet. Savez-vous d’où proviennent ces meules ? D’un moulin à eau, simplement, ce qui confirme l’analogie du principe quelle que soit l’énergie.
La mouture glisse à l’étage au-dessous, dans un meuble, le blutoir, où sont séparés la farine et le son, avant d’être récupérés au rez-de-chaussée où sont entreposés les sacs de grain à leur livraison. En rendement normal, 100 kg de blé à l’heure assure la production de 75 kg de farine et 25 kg de son.
La boucle est bouclée. Mais quel rude labeur pour le meunier ! Quelle agilité doit-il déployer pour assurer l’opération de broyage en veillant à l’orientation des ailes et leur entoilage selon la force du vent ! On perce mieux le sens de la comptine Meunier, tu dors ! et le respect accordé au pain, nourriture essentielle pour nos ancêtres.
Any Manuel