Un marché séculaire
Lors de sa fondation, en 1280, une charte stipulait la tenue d’un marché tous les lundis à Cadillac. S’il fut déplacé au samedi matin, il n’en reste pas moins un événement dont la réputation a dépassé les murailles de la bourgade.
Le marché de Cadillac (photos de Any manuel)
Pour rien au monde, la famille Martin ne manquerait sa visite hebdomadaire à Cadillac. Quel que soit le temps ou la saison, c’est un rituel auquel il lui est impossible de déroger.
Le rituel du samedi
Tôt levés, Gustave et Jeannette vont oublier leurs rhumatismes durant une matinée. Pendant que Gustave fait tourner le moteur de la voiturette sans permis, Jeannette vérifie qu’elle n’a rien oublié : la liste établie tout au long de la semaine, le panier à roulettes jaune, les cabas et les sacs. Tout y est ! Ils s’installent gaiement dans leur véhicule, imaginant à l’avance les rencontres qui constituent le charme de leur « expédition ».
Parvenu à destination, la Pépette garée sur les quais, le couple se dirige vers le marché qui bat son plein.
Odeurs et saveurs mêlées
Au coin de la Halle, sont alignées les bouteilles du vin local, à côté de la marchande de chichis qui attire les enfants par ses gourmandises pétillant dans une vaste bassine. Odeurs mêlées de pâtisseries, du stand de poisson voisin, des grosses boules de pain croustillant, des volailles du rôtisseur qui tournent à l’extérieur sur de longues broches. Finalement, le marché a-t-il beaucoup changé depuis le Moyen Âge dont subsiste un robuste étal de pierre en contrebas du château ?
Une rue entière est consacrée aux articles bio et Jeannette accepte de goûter un carré de chocolat en provenance de Madagascar qui voisine avec des sacs de thé ou café en vrac. Mais, après un coup d’œil à l’étiquette annonçant le prix, elle déclare : « Je le trouve un peu amer ».
Fleurs et légumes
La remontée de la rue de l’église s’avère difficile, la foule devenue dense. On s’interpelle, on « se bise » ralentissant la circulation piétonne mais l’heure est à l’indulgence. Jeannette s’extasie devant un parterre multicolore. Le fleuriste ne sait où donner de la tête … Jeannette se laisse tenter par une superbe suspension multicolore qui décorera sa véranda.
La Place du Château est sans conteste la partie la plus authentique du marché. Voici seulement quelques années, on y voyait les petits producteurs proposer leurs volailles, leurs œufs, leurs pigeons, leur fromage. Depuis une loi les contraignant à posséder une vitrine réfrigérée, ils ont disparu, et c’est dommage ! Il reste les revendeurs de fruits et légumes qui composent des palettes de couleurs vermillon ou jaune, selon la saison des fraises ou des melons. Gustave s’approche des belles tomates, mais Jeannette fait la dédaigneuse, lui jetant : « Elles sont trop rouges, elles arrivent d’Espagne. Tu n’as pas oublié qu’il faut rapporter des plants ? »Précisément, il y en a de toutes sortes sur le rayon voisin, de jeunes tiges vertes pour tous les potagers de la région.
Dans un coin, un caquètement furieux révèle la présence de volatiles qui, liés par les pattes, sont destinés à réintégrer un poulailler.
« Ce n’est pas tout », énonce Jeannette, « Mais il faut penser au repas de demain. Nos cousins viennent déjeuner à la maison. Il faut bien les recevoir. »Elle achète des langoustines. « Hum ! Avec une bonne mayonnaise ! » soupire Gustave qui en salive déjà. Plus loin, des croustades aux pommes encore chaudes embaument. « Voici le dessert », dit Jeannette. Puis, négligeant la marchande de paella qui remue un riz au safran appétissant dans une poêle immense, elle achète du bœuf de Bazas, tendre comme du beurre, à son boucher attitré.
Le marché, un spectacle
Les époux Martin sont bien chargés, le caddy devient lourd à tirer. Soudain, ils s’immobilisent, percevant une musique familière. Les Veneurs d’Épernon, en tunique pourpre et culotte noire, font vibrer la vieille halle au son de leurs trompes de chasse. Il en est ainsi, dans la bastide où l’on mêle aisément le passé et le présent.
Et c’est la tête pleine des airs de chasse que le couple regagne sa voiturette et l’emplit de tous ses achats savoureux. À samedi prochain !
Any Manuel