Passage obligé
La seule certitude au monde que vous puissiez avoir, c’est celle de mourir un jour. Personne ne connaît personne qui connaisse quelqu’un qui en ait échappé. Cela se saurait.
Le dossier incontournable des cimetières figure sur nos tablettes depuis une dizaine d’années. C’est avec horreur que nos journalistes l’ont toujours repoussé. Il faut croire que l’idée a fatalement fait son chemin puisque ce numéro leur est enfin consacré. Un vote démocratique au sein de la rédaction leur a accordé la majorité à une seule voix. Mais surprise ! Que de découvertes en cours de route !
L’inhumation des morts suscite des interrogations depuis la nuit des temps. Un de nos journalistes s’y est intéressé. D’autres ont effectué des recherches plus proches dans le temps et dans l’espace. Certains ont sillonné les allées du cimetière de la Chartreuse à Bordeaux, terre riche d’enseignements, de biographies, de souvenirs et de symboles.
Autres pays, autres cultures, autres lieux de mémoire. À Arlington, un de nos reporters a arpenté le cimetière militaire légendaire américain où subsiste le souvenir palpable de John Kennedy. À Prague, visitez le vieux cimetière juif, le plus grand et le mieux conservé d’Europe. Pas étonnant qu’il soit le site historique le plus fréquenté de la ville. À Venise, les gondoles funéraires ont été remplacées par des bateaux à moteur. Décidément, même la tradition va à vau-l’eau. Changement de décor : au Ghana, l’enterrement est une fête plus ou moins fastueuse selon que le défunt soit puissant ou misérable.
Retour en France. À Gruissan, le cimetière marin se fait remarquer par son originalité à flanc de coteaux. Une autre page s’ouvre en hommage aux tombes privées, creusées dans les jardins de particuliers selon une réglementation qui leur est propre. Le mausolée de Tamerlan ne pouvait échapper à l’œil aiguisé de notre rédaction.
L’évocation des pyramides aurait entraîné trop loin notre équipe, elle même limitée dans le temps et dans l’espace. Elle s’est plutôt intéressée à l’importance des sépultures avec un texte très poétique et à l’oubli des morts. La mort aseptisée a également été évoquée avec la crémation. Et pour faire diversion une journaliste a contemplé les feux follets, improbable ballet, dans les cimetières, la nuit.
Et si les morts avaient une voix, que ne diraient-ils pas ? Comme dans la pièce de théâtre, La mastication des morts.
Mais quelle que soit la manière dont vous serez inhumé, il serait assez étonnant que vous l’emportiez au paradis.
Brigitte Ravaud-Texier