Argiléa
À la Teste-de-Bush, les magiciens de la terre font apparaître l’exceptionnel.
À l’origine de l’alphabet : le A….À l’origine du monde : Gé.
Gé, déesse terre, créatrice et nourricière à la fois. G de glaise dont selon la bible « Yahvé modela l'homme... prit une de ses côtes... puis de la côte qu'il avait tirée de l'homme, Yahvé façonna une femme et l'amena à l'homme ». Ensemble ils partirent cultiver la terre du jardin d’Éden Cette roche terreuse que l'on appelle aussi argile ou encore kaolin alimente toujours l'imaginaire humain. Imprégnée d'eau elle devient imperméable et plastique. Dans le monde entier, depuis la nuit des temps, on la malaxe, on la dompte. Devenus à leur tour créateurs, presque Dieux, les hommes font naître de l'argile les formes les plus extraordinaires.
Passion de la terre
L'association Argiléa*, installée dans deux salles claires en bordure d'un jardin clos, au centre de La Teste, ouvre ses portes chaque jour à 25 sculpteurs passionnés. « C'est le maximum » nous confie le président. Il y a trois ans, les élèves de Patrick Lesca, soucieux de perpétuer son enseignement, ont décidé de mettre en place la structure et la sculpture. La mairie a mis le local à disposition. La réputation de l'ancien maître et le bouche à oreille ont fait le reste. Jean Claude, l'actuel président, est venu par hasard. Il a toujours peint. Ses poules sont célèbres sur tout le bassin. Instituteur, il initiait ses élèves à la sculpture « l'argile est un matériau peu cher et avec un minimum de concentration, les enfants ont très vite le plaisir de créer. C'est ludique, éducatif et valorisant à la fois. » Un jour, il s'est rendu à une exposition en hommage à P. Lesca. Enthousiasme. Ensuite il a repéré le lieu par hasard. Il est entré, il est resté. À l’atelier, tous se connaissent, s'épaulent, se conseillent, se critiquent parfois car il y a des savoir-faire à acquérir pour dompter l'argile.
De la terre à l'objet
L'Observatoire a poussé la porte d’Argiléa et rencontré Jean Claude et Jean Yves. Potiers ? Amateurs ? Sculpteurs ? Modeleurs ? Épris de terre en tout cas. Ils seront les guides avertis dans le cheminement du bloc de glaise à la fouine curieuse. Aujourd'hui, le fruit de l'imagination et de la dextérité sera ce mustélidé (Jean Claude préfère sculpter des animaux, plus divers que les hommes). Sur la table : des couteaux, des cuillères, des pinceaux, un cure-pomme, des mirettes, peu d'instruments particuliers. Sculpter, c'est laisser ses mains agir, le reste est presque superflu. Jean Claude détache un morceau du gros bloc d'argile. Il a choisi une terre rouge, sa couleur évoluera à la cuisson. Les pavés de Bordeaux sont faits d'argile noire, en cuisant elle devient beige voire rosée. Aussitôt ses mains se mettent en action, il palpe, appuie, creuse, fait saillir une bosse, s'aide d'un couteau ou d'un ébauchoir. Détail après détail, l'objet prend forme. Enfin son imaginaire est satisfait. Encore souple et malléable, la glaise ne saurait tarder à durcir. Il faut se préparer à évider la sculpture. Armé d'un fil à couper l'argile, le sculpteur sectionne l'animal à hauteur de l'abdomen. Il ne reste qu'à creuser les deux parties. Travail long, minutieux, voire fastidieux. Ensuite il guilloche les bords, les rapproche, les enduit de barbotine et glisse un fin boudin d'argile qu'il lisse patiemment pour dissimuler la couture. La première étape est terminée. Séchage obligatoire, jusqu’à un mois.
Du biscuit aux émaux
Séché, l'animal pourra devenir objet de décoration. Attention, ne l'installez pas dans votre jardin ! Il est très fragile et la moindre averse en ferait un petit tas de boue. Cuit à 980 degrés, il deviendra biscuit. Sa couleur variera selon les composants de la terre d'origine. Il sera plus solide et gardera un aspect mat et rustique. Vous avez envie de luminosité et de brillant : plusieurs possibilités. La plus simple : cirer votre œuvre. Vous pouvez aussi la peindre à l'acrylique imitant à s'y tromper le bronze par exemple. Pourquoi ne pas l'émailler ? Les émaux (silice, fondant, alumine) s’associent aux oxydes de fer ou de cuivre pour obtenir du rouge, de cobalt pour du bleu, de chrome pour du jaune. Après un bain dans le mélange choisi, laissez vos trésors sécher au moins un jour. Ensuite, cuisson à 700 degrés environ, selon les constituants, pendant dix heures. Puis repos à l'intérieur du four encore dix heures. Il faut être patient pour mériter un chef d'œuvre. Pas d'empressement excessif ! Sinon gare aux craquelures. Et la fouine ? L’animal initiatique devenu biscuit n’a d’yeux que pour un œuf en racou nacré de noir. Découvrez-les lors de l’expo d’Argiléa le dernier week-end de septembre.
Dany Guillon
*Association Argiléa, 6 bis rue Captalat, La Teste-de-Buch