A l'intérieur des remparts
Une déambulation dans une exposition fait découvrir de nombreuses agglomérations nées au Moyen Âge en Gironde.
« Nous détenons un fonds très riche sur la période médiévale, mais il n’est habituellement consulté que par les chercheurs », explique Agnès Vatican, directrice des Archives départementales de Gironde. Il a été mis à profit pour organiser une exposition[1] grand public, sur les 500 m² de la magnifique salle voûtée dont disposent les Archives à Bordeaux et qui permet de voyager dans le temps. « L’idée de l’exposition est celle de la déambulation dans une ville. », précise la directrice.
Fortifications
Entre le XIe et le XIVe siècle, un phénomène d’urbanisation importante donne naissance à de nombreux villages et villes comme Lesparre, Bourg, Libourne, Cadillac, La Réole, Bazas, pour ne citer que les plus grandes. Les cartes et les documents les plus anciens, qui remontent au XVIIIe et XIXe siècles, donnent néanmoins une bonne idée de l’occupation des sols au Moyen Âge. Ils mettent en évidence la présence de fortifications et de formes variées d’implantations urbaines, ainsi que le développement de bastides comme à Sauveterre-de-Guyenne et à Cadillac.
Ces organisations urbaines sont dirigées par des seigneurs, par le clergé ou encore par des communautés de bourgeois, autorisées à se constituer en communes puis en jurades à partir du XIIIe siècle.
Les seigneurs, dont les rois de France et d’Angleterre, et les ecclésiastiques précisent leur pouvoir sur ces organisations dans des lettres et des chartes. C’est ainsi que le Livre des Bouillons, (Cartulaire municipal de Bordeaux), 1401-1524, contient la majeure partie des chartes de la ville de Bordeaux et des privilèges octroyés aux Bordelais par les ducs d'Aquitaine et rois d'Angleterre du xiiie siècle au xve siècle.
Vignes et potagers
Au fur et à mesure de leur création et de leur croissance, les espaces urbains s’organisent pour [2], commissaire de l’exposition. Et d’autres cultures vivrières étaient développées dans la périphérie. Au XIIe siècle, la production agricole est devenue très dynamique. Ce qui a poussé à exporter du vin et des céréales et à développer les marchés urbains. »
Les ports des villes implantées au bord de la Garonne et de la Dordogne deviennent des pôles économiques majeurs, permettant le commerce avec l’arrière-pays et les ports atlantiques. Le commerce est soumis aux accords obtenus par les villes auprès des rois et des seigneurs que ce soit pour le droit de tenir une foire ou un marché, ou encore exporter.
L’Église omniprésente
Dans les rues populeuses des villes, se croisent commerçants, artisans, ouvriers, clercs, nobles, etc. Ils côtoient des mendiants poussés vers la ville par la misère, la famine ou la guerre. Tous les habitants peuvent bénéficier d’équipements collectifs : organisations charitables, hôpitaux et hospices.
Vivre en ville, c’est aussi être exposé aux épidémies ou aux incendies, comme celui qui a détruit une bonne partie de Bordeaux en 1348.
L’Église, omniprésente, organise la vie quotidienne par son calendrier religieux et ses établissements. Les premiers lieux de culte remontent aux premiers siècles de notre ère. À partir du XIe siècle de nombreuses églises sont construites en même temps que se développent les villes.
La Guerre de Cent ans, de 1337 à 1453, qui opposa les Plantagenets, à la fois ducs d’Aquitaine et rois d’Angleterre, aux Valois, va voir les villes appartenant au roi-duc jouer un rôle, en particulier dans sa phase finale, la bataille de Castillon.
L’empreinte des villes médiévales sur le tissu urbain actuel est variable, si les églises ont été généralement conservées, il n’est pas de même des couvents et des lieux des pouvoirs civils.
Les nombreux documents et des plans rencontrés accompagnent judicieusement ce voyage dans la ville du Moyen Âge.
Roger Peuron
[1] Villes en Gironde au Moyen Âge du 28 novembre 2023 au 7 avril 2024, 72, cours Balguerie-Stuttenberg, Bordeaux
[2] Sylvie Faravel, historienne et archéologue spécialiste du Moyen Âge à l’Université de Bordeaux-Montaigne