Vagabondage en chansons
Esquisse d'un voyage musical à travers le monde, installé dans son salon.
Par Jean Malbot
Un fauteuil, un poste-radio, ou une vieille chaine HI-FI : l'équipement est minimal mais suffisant pour partir à travers le monde sans bouger pour peu qu'on se laisse transporter par la musique et les chansons.
Certes, avec ce genre de périple, on ne pourra pas dire « nous avons fait » le Brésil, les États-Unis ou la Chine mais certains airs sont si évocateurs, qu'en nous en imprégnant, nous sommes dans ces pays.
Il n'y a pas meilleure invitation au voyage que celle de Charles Aznavour quand il chante :
« Emmenez-moi au bout de la terre,
emmenez-moi au pays des merveilles,
il me semble que la misère
serait moins pénible au soleil. »
Il parle de bateaux en partance sur lesquels il a envie d'embarquer, de bout du monde, de pays inconnus, d'îles lointaines d'éternel été. Cette chanson a fait le tour du monde et nous fait nous évader du quotidien
Des brumes du nord
Suivons ces désirs d’évasion et même si ce n'est pas le bout du monde, Jacques Brel nous emmène dans le port d'Amsterdam. La puissance d’évocation est telle qu'on devine la silhouette des navires, qu'on entend le chant des marins, qu'on entre dans la moiteur des tavernes, qu'on sent le mélange d'odeurs de bière, de friture, de fumée de tabac On se laisse emporter par les harmonies d'accordéon.
Au soleil de Lisbonne
Laissons-nous dériver au sud. Voici Lisbonne où règne le fado et où chantait Amalia Rodrigues qui en fut la reine : installé dans un petit bar sur le port, aux murs revêtus d'azulejos, d'où on peut voir la mer de paille, écoutons ces airs mélancoliques qui nous parlent de saudade, d'amours plus ou moins accomplies, de nostalgie ; ce qui ne nous empêche pas de déguster des pouce-pieds en buvant un vinho verde ou un madère
On s'y voit !
La frénésie du Brésil
Glissons franchement plus au sud
À l'instar des navigateurs portugais du XVIe siècle, portés par les alizés, voici Rio :
« Si tu vas à Rio. » chantait Dario Moreno. Les paroles ne sont sans doute pas inoubliables mais les airs de samba, de bossa-nova et autres chants de cariocas sont tellement entrainants qu'on se laisse attirer par la frénésie du carnaval.
Pour nous reposer, les plages de Copacabana nous tendent les bras. De là, on peut voir la statue du Christ rédempteur sur le Corcovado et les vénus callipyges jouant au volley-ball sur la plage. Le regard est-il plus attiré par l'un ou par les autres ? Allez savoir.
Le rêve californien
En quelques heures, l'avion nous emmène en Californie, Los Angeles, San-Francisco, pourquoi pas en compagnie de Nicolas Peyrac, un peu oublié aujourd'hui mais dont la chanson So far away from LA est caractéristique des années 1970. En l'écoutant, surgissent de la brume, le Golden Gate, Beverley Hills... Le soleil se couche derrière Alcatraz. On imagine la foule de célébrités qui se sont succédé ici.
En écoutant bien, on peut aussi entendre les airs de Joan Baez de Bob Dylan de John Lennon ou de Simon et Garfunkel. On vit quelques instants dans cette Californie de Peace and love, des hippies de la musique psychédélique assaisonnée de substances hallucinogènes.
Pour terminer ce voyage musical, passons par la Russie ou l'âme slave se révèle à travers les chants orthodoxes des monastères perdus dans les forêts de mélèzes, les chœurs populaires avec leurs voix graves, leurs accordéons et leurs balalaïkas. Sans oublier une touche d'orientalisme avec les steppes d'Asie centrales de Borodine et Shéhérazade de Rimski-Korsakov, le jazz de la Nouvelle-Orléans, les mélopées du Maghreb et tant d'autres...
Mais une bouffée d'air marin fournie par Julien Clerc L’horizon chimérique1, donne envie de repartir :
« Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse
et roule bord sur bord et tangue et se balance
mes pieds ont oublié la terre et ses chemins
les vagues souples m'ont appris d'autres cadences
plus belles que le rythme las des chants humains. »
L'âme d'un pays se révèle peut-être autant par sa musique et ses chansons qu'à travers maints voyages. Et tout cela, sans quitter notre fauteuil. Nous avons fait un sacré périple.
1 Les paroles sont de Jean de la Ville de Mirmont