X

Film X

Photo de R. peuron

Classé X, un film devient pornographique.

 

« Le piment du couple,  un ingrédient qui doit rester exceptionnel pour qu’on l’apprécie pleinement ! »

C’est la devise des Dorcel père et fils, papes du film pornographique français. Pour leurs fans : une boite à fantasmes, d’où sortent les films X les plus léchés. Les partis pris détonnent dans ce milieu habitué au vite fait, mal fait ; colliers de perles, draps de soie, dentelles fines,  l’emploi d’une costumière en font ce qu’ils appellent ; la culbute à la française, le porno chic. Classicisme bourgeois que le pape de la partouze cultive jusque sur ses jaquettes en accolant aux visages angélique de ses actrices des titres à l’eau de rose : tendre Corinne, une femme honnête…. pour épargner aux clients de piquer un fard à la caisse des vidéoclubs.

 

Réussite tranquille, dans un univers sulfureux.

Cette industrie fut lancée en 1979 dans le sillage libérateur de Mai 68. Marc Dorcel, fils de fabricant de vêtement, d’origine hongroise, touche à tout qui rêvait de faire les Arts-déco, a d’abord été dessinateur industriel, avant de trouver sa voie : l’édition de bouquins licencieux. Il écoule en un mois 10 000 exemplaires d’Ursula un livre érotique écrit par un Suisse racontant la vie d’une jeune Suédoise. Un copain réparateur de télés lui propose de rééditer le même coup fumant avec une caméra super-huit. Au prix exorbitant pour l’époque, 500 francs la cassette, Brigitte Lahaye se glisse en 1979 dans les magnétoscopes VHS de Monsieur et Madame Tout-le-Monde. C’est aussi lui qui a lancé Rocco Siffredi. Son fils Grégory, diplômé d’une grande école de commerce à Paris, marié à une juriste, père de deux enfants, a choisi un autre créneau : la fesse en technicolor. L’été 1985 une chaîne de télé fraîchement lancée, Canal+, crée l’événement en diffusant pour la première fois un film X sur les ondes hertziennes. L’irruption dans les foyers de la galipette mensuelle en gros plan fait une pub d’enfer à la chaîne, elle accentue aussi la tendance amorcée par la VHS : la possibilité de s’encanailler tranquillement chez soi devant son écran (de télé hier, d’ordinateur aujourd’hui). En 2009, la 3D fait parler d’elle avec le film Avatar moins de six mois plus tard l’héritier Dorcel s’invite au festival de Cannes pour présenter en séance spéciale : les premières scènes X où l’actrice jaillit littéralement de l’écran pour aguicher le spectateur chaussé de lunettes ad hoc. Qu’importe si le procédé onéreux ne rencontre pas son public ; l’important est de ne jamais rater une innovation. L’apparition de la caméra numérique, moins mastoc, plus autonome a révolutionné les tournages. Il y a quinze ans, un réalisateur, encombré par la technique coupait régulièrement les acteurs dans leur élan. Résultat : il fallait de quatre à cinq heures pour tourner une scène, le temps que Monsieur retrouve sa forme. Aujourd’hui en une heure tout est plié sans raccords acrobatiques au montage. La qualité de l’image n’a plus grand-chose à envier aux séries télé à succès.

 

Et la loi ?

L’article 227-24  du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait de fabriquer, transporter et exposer à la vue d’un mineur un message à caractère violent ou pornographique

Quelle hypocrisie !

Ne nous y trompons pas, l’entreprise Dorcel surnage dans le grand bain de la médiocrité à bas coût que charrie le Web : 95%* de la consommation pornographique se fait sur des sites, sans filtres. Laisser l’ordinateur en libre accès aux enfants et aux ados, c’est les exposer au sexe violent et dégradant.

C’est d’autant plus navrant que les responsables, qu’y s’entendent pour réglementer les mœurs des Français, ne font absolument rien pour endiguer ce phénomène alors que la loi permettrait d’encadrer ces pratiques. Pour ou contre la pornographie ? Un dossier qui ébranle nos certitudes, déchaîne les passions. Beaucoup voudraient la réprimer, voire la supprimer.

Les représentations sexuelles ont toujours existé, dans toutes les sociétés, à toutes les époques. Elles circulaient sous le manteau.

On se souvient des interdits qui ont sévi à la publication de Madame Bovary de Flaubert ou des Fleurs du mal de Baudelaire 1857 considérés maintenant comme les plus grands classiques de la littérature, mais il y a peu de chance que les films pornographiques deviennent des références cinématographiques !

 

* 10 000 films tournés par an dans le monde

 

Paule Burlaud