« Sarkozy voulait embrasser Carla le premier soir !» cette information essentielle… est extraite de la biographie non autorisée de Jacques Séguéla en 2009.

« Julie et François sont sur un bateau, qui tombe à l’eau ? »

En voyant ces articles croustillants, cédant à notre voyeurisme nous ne pouvons nous empêcher d’y jeter un œil. Notre curiosité satisfaite, nous refermons la page et nous nous replongeons dans l’anthologie de la poésie française… Nous avons pêché en cédant au charme indiscret du monde des people il faut bien que nous nous rachetions !

Cette presse dite à scandale, à sensation ou de caniveau ne connait pas la crise.

Si les Français boudent les quotidiens nationaux, ils dévorent la presse people. Chaque semaine, 18 millions de lecteurs lisent Voici, Gala, Public, France Dimanche, Ici Paris, Match, Point de vue, Closer etc. Depuis le lancement de Voici en 1987, ces titres ont vu leur diffusion augmenter de 65 %. L’arrivée de Closer en 2005, moins cher que ses rivaux, annonce une moyenne de 400 000 exemplaires vendus : ce chiffre le classe d’emblée parmi les meilleurs lancements de l’histoire de la presse française. Ce domaine s’étend d’ailleurs bien au-delà des magazines spécialisés, exacerbés par la téléréalité, les programmes télé lui réservent une grande place. On y retrouve la vie rêvée et parfois pitoyable des acteurs, vedettes de télévision, chanteurs, stars du showbiz, du sport, du cinéma, et parfois même de l’intelligentsia.

L’extension de la peopolisation à la presse sérieuse, politique ou culturelle est un phénomène nouveau en France. Il l’est moins dans les pays anglo-saxons où la mise en scène de la vie familiale de la monarchie est un classique. Qu’y trouve-t-on ? Trop souvent des couvertures accrocheuses qui, heureusement, n’engendrent pas forcement d’articles médiocres. Récemment Match eut l’exclusivité du mariage de notre beau Georges à Venise, le même jour Le Point écrivait que ce mariage était bidon ! L’Express, l’Obs, Libération, Le Figaro, etc. ne sont pas en reste.

Hélas, la presse économique n’y échappe pas, la détestation réciproque de François Pinault et Bernard Arnaud, deux magnats de l’industrie du luxe, ne fait-elle pas ses beaux jours ?

Photos volées, révélations, scandales ne datent pas d’hier. Le premier procès pour atteinte à la vie privée date de 1965 quand France Dimanche publia des photos de Gérard Philippe sur son lit d’hôpital. Constamment attaquée, par les piégés (complices ou non), la perte des procès ne déstabilise pas le marché. La famille Grimaldi remporte la palme de la procédure. Paris Match, connu pour ses couvertures racoleuses, a été un précurseur, il reste le seul à pouvoir débourser de 50 à 100 000 euros pour un sujet paparazzo particulièrement vendeur.

Photo de D. Sherwin-White

D’où nous vient ce goût immodéré pour la vie privée des gens célèbres ?

L’intérêt pour la célébrité n’est pas forcement synonyme d’admiration. L’idée d’un public fasciné et obnubilé est caricaturale. Au contraire, l’attrait pour le people va de la dévotion au regard distancé, mi sérieux, mi amusé, un peu comme la lecture de l’horoscope.

Cette curiosité pour les élites touche toute sorte de public, femmes, hommes, et pas seulement des adolescents subjugués en mal de modèle. S’y mêle un goût pour ce qui est beau, riche et puissant, une convoitise pour la notoriété, une des formes suprême de la reconnaissance. Le goût pour le people comporte une dimension de sociabilité. Le commérage entre amis, en famille, au comptoir ou au travail permet de créer des liens, de partager des valeurs ou des critiques. Les histoires d’amour, de ruptures, de conflits ou de drames ne nous concernent-elles pas tous ?

Le people peut paraître dérisoire, futile, sordide, vulgaire, obscène : c’est souvent le cas. Mais il touche à des cordes sensibles, très sensibles qui renvoient au très profond de la nature humaine. Voilà pourquoi ça marche.

Paule Burlaud

* numéros vendus en 2011 (source OJT, Office de la justification de tirage)