Coline et les ados

par Héliette Sicilia

 

 

Une jeune animatrice raconte comment elle a œuvré l’été dernier auprès d’enfants en difficulté en choisissant une attitude relationnelle basée sur la confiance et la solidarité. 

Les ados pressés d'affronter les vagues déferlantes

 

Partir à la conquête d’un monde nouveau. Une gageure ? Pour Coline, ce fut une véritable découverte, celle de l’intégration sociale de jeunes présentant des problèmes comportementaux. Bien qu’éprouvante, l'expérience vécue dans un accueil collectif de mineurs a été formatrice. Elle les a encadrés pendant onze jours, au mois d’août 2023, dans un centre de vacances, à Lacanau.

L’observatoire : Qui étaient ces enfants difficiles ?

— Coline : Il s’agissait de garçons et filles âgés de 11 à 17 ans et qui étaient en souffrance. Ils présentaient des troubles affectifs et des comportements antisociaux, étaient sujets à des crises émotionnelles. Ils étaient souvent issus de milieux modestes, en situation de précarité ou placés en famille d’accueil.

— Pour quelles raisons avez-vous choisi ce domaine d'activité ?

Je suis titulaire du Brevet d’aptitude aux fonctions d’animatrice (BAFA) et je travaille pendant les vacances scolaires dans le secteur de la petite enfance.

Je souhaitais m’investir davantage dans cette activité et j’ai accepté ce poste d’animatrice pour être au contact d’adolescents dont j’ignorais totalement les problématiques.

— Comment s'est réalisée leur intégration dans le centre de vacances ?

Au début du séjour, la cohabitation était difficile. Tous les animateurs faisaient face aux agressivités des jeunes. Ils s’opposaient à nos décisions, harcelaient les autres enfants. Leur insertion s’annonçait compliquée surtout que je n’avais pas suivi de formation particulière pour ce genre de situation.

— Quelle organisation les animateurs avaient-ils mis en place ?

Dès notre arrivée au centre, nous avions rédigé la liste des consignes d’usage avec les enfants afin qu’ils prennent conscience des règles à observer comme la discipline, le respect des autres, la politesse, la participation aux tâches ménagères, leur présence aux activités et l’application des mesures élémentaires d’hygiène.

Nous les avions informés qu’il était interdit de fumer, de boire de l’alcool, de vendre et de consommer de la drogue sous peine d’exclusion et de fermeture du centre.

— Ces jeunes se sont-ils soumis à ces directives ?

Nous nous sommes aperçus que les plus âgés ne respectaient pas nos recommandations. Ils faisaient appel à des sociétés de livraison à domicile et cachaient les bouteilles vides, pensant que nous ne les trouverions pas. Nous étions très vigilants au moindre soupçon de circulation de stupéfiants et à la fabrication d’objets pouvant s’avérer dangereux pour eux comme pour la sécurité de l’établissement. Je me souviens d’une équipe qui avait réussi à desceller un extincteur pour remplir le dortoir de mousse.

— Comment vous comportiez-vous face aux excès de ces enfants ?

Nous avions très peu de différence d’âge. En ce qui me concerne, je n’avais pas 20 ans. Du fait de ma formation en communication, j’avais opté pour une attitude relationnelle basée sur la confiance et la solidarité. Donc, j’étais à leur écoute, je voulais comprendre leur détresse et les aider.

J’avais pris l’habitude de leur témoigner de l’attention positive, de les féliciter pour leurs bonnes actions. Je leur proposais également de se confier à moi, s’ils le souhaitaient. Ces adolescents cherchaient du réconfort. Ils voulaient capter l’attention de leurs animateurs préférés.

Je me souviens d’un ado mesurant 1,85 m, en rupture avec l’école et son entourage, hostile à toute proposition au début des vacances et dont l’attitude a changé au fur et à mesure que passaient les jours. Par exemple, il prenait du plaisir à courir avec les animateurs.

— Comment était organisé le centre et quelles étaient les activités proposées ?

L’encadrement était assuré par une directrice, quatre animatrices et deux animateurs pour s’occuper d’une quarantaine d’enfants et les activités étaient variées : bateau, initiation au surf, planche à voile, baignade, jeux de plage, de pistes, avec tous les moniteurs, promenades le long de l’océan ou en ville, temps libre pour les plus de 15 ans

— Quels principes souhaitaient transmettre les animateurs aux enfants ?

Il nous paraissait essentiel de favoriser la cohésion sociale entre tous ces adolescents qui venaient de régions et de milieux différents. Cet accueil collectif de mineurs était aussi un moment de détente et de loisirs pour se faire des amis, ainsi qu’un lieu d’échange et de discussions.

— Quel était votre emploi du temps ?

Il était très chargé. Chaque jour, debout à 6 h 30, puis prise en charge des enfants, de l'intendance et des activités au choix. Le soir, souper, douche et coucher à 23 heures.

Mais la journée ne s’arrêtait pas là pour les encadrants. Tous les soirs, nous faisions le compte-rendu du jour, nous abordions les questions relatives au comportement des adolescents pour déterminer quelles étaient les solutions à adopter selon la gravité des actions commises : fallait-il sévir ou simplement réprimander et bien sûr expliquer les conséquences de leurs actes tout en assurant leur intégration dans les meilleures conditions possibles. Nous devions prévoir, pour le lendemain, les activités à leur proposer.

Ces réunions pouvaient se prolonger jusqu’à 3 heures du matin et nous devions être attentifs, de jour comme de nuit, aux absences des ados.

— Que ressentiez vous en fin de séjour ?

J’étais émue par l’attitude de ces jeunes. Mais j’ai retenu un point positif. En fin de séjour, il existait entre eux plus d’égalité et ils faisaient plus abstraction de leurs différences. J’espère avoir contribué un peu à leur insertion.

 

ENCADRE

Afin de favoriser l’égalité des chances et l’émancipation de la jeunesse, l’État a mis en place le Pass colo pour l’été 2024. Ce nouveau dispositif est destiné à aider les familles pour financer un séjour en colonie de vacances pour leurs enfants, l'année de leurs onze ans. Pour bénéficier de l’aide financière, il est tenu compte des conditions de ressources des parents. Cette aide est cumulable avec les autres aides existantes : aides des collectivités, départementales, des comités d'entreprise, de la Caisse d'allocations familiales et autres.

 

 

Fini le vague à l'âme, place à la résilience, l'apprenti véliplanchiste est attentif à la direction du vent. Conseiller les jeunes est la mission du moniteur-éducateur