Vivre en société

Une réfugiée ukrainienne raconte comment, obligée de quitter son^pays, elle s'est intégrée en France

Natalya, a abandonné, au moins temporairement son pays, l’Ukraine, agressé sauvagement par la Russie. Elle parle volontiers de son périple de Kherson [1] à Saint-Médard-en-Jalles et de sa nouvelle vie bordelaise.

 

Quand avez-vous quitté l’Ukraine ?

— Ma vie a changé le 24 février 2022, le jour de l’invasion de mon pays par la Russie et de l’arrivée des soldats à Kherson, ville où je résidais. J'ai vécu sous l'occupation pendant 51 jours, c'était très effrayant et dangereux. J’ai alors décidé de quitter mon pays, non sans déchirement car je laissais ma famille, mes amis, mon appartement et un emploi dans un institut de beauté qui me plaisait énormément.

Un ami, Gérard, que je connais depuis quelques années, m’a invitée à venir chez lui, à Saint-Médard-en-Jalles, pour me mettre à l’abri et vivre plus normalement. Je lui en suis très reconnaissante !

 

Comment s’est passé le voyage

— En avril 2022, je suis partie avec mon chat adoré Michel. Habituellement le trajet en voiture de Kherson à Odessa dure quatre heures, cette fois nous avons roulé 12 heures, en empruntant un itinéraire plus long, militairement plus sûr mais également moins confortable ; à l'asphalte succédait un chemin de terre et inversement... À Odessa, j’ai pris le bus pour Vienne en Autriche.

Le lendemain, le train m’a amenée à Zurich où m’attendait Gérard. Après 10 heures de voiture, nous sommes arrivés chez lui le 18 avril où je suis toujours. J’étais très fatiguée mais heureuse d'être en vie et en sécurité !

 

— La France a pris des dispositions pour accueillir les réfugiés ukrainiens, desquelles bénéficiez-vous ?

— L’accueil à la préfecture est parfaitement organisé : attente raisonnable et personnel faisant le maximum pour nous aider. J’ai obtenu l'asile temporaire pour six mois, un abonnement gratuit pour le bus et le tram, une allocation en espèces pour la nourriture et les besoins personnels, le bénéfice de l'Aide médicale d'État pour consulter un médecin et aller à l'hôpital, si nécessaire.

Tous les six mois, je renouvelle mon asile temporaire.

 

— Travaillez-vous ?

Oui, l'asile temporaire me donne le droit de travailler. Depuis août 2022, je suis employée, en CDI, comme femme de ménage au Grand Hôtel, place de la Comédie à Bordeaux. J’ai été embauchée car des amies réfugiées d'Ukraine y travaillaient déjà. Nous ne sommes pas les seules étrangères, il faut ajouter deux Moldaves, une Géorgienne et une Russe. La gouvernante qui gère ce groupe cosmopolite est française. Avec elle et entre nous, nous échangeons surtout en anglais. Nous nous entendons bien. Je parle l’ukrainien, le russe et l’anglais. Je comprends le français mais j’hésite à le parler.

 

— Avez-vous établi des relations amicales depuis votre arrivée et êtes-vous en contact avec votre famille ?

Gérard m’a fait connaître nombre de ses amis qui m’ont bien accueillie. J’ai des contacts amicaux avec de nombreux réfugiés de mon pays et nous nous entraidons. Certaines femmes vivent seules, d’autres sont accompagnées d’enfants, les unes sont toujours hébergées dans des familles, ce qui n’est pas toujours facile, les autres louent un appartement et sont ainsi plus indépendantes.

Ma mère est toujours dans les environs de Kherson, elle n’a pas voulu quitter son pays. Mes deux frères et ma sœur, avec leur conjoint et leurs enfants vivent en Pologne, pays qu’ils ont rejoint en 2022. Nous nous parlons très souvent au téléphone, d'autres proches vivent désormais dans différents pays européens : Allemagne, Irlande, Norvège...

 

— Après presque deux ans de présence en France, avez-vous le sentiment d’y être acceptée ?

— Je ne ressens aucune prévention à mon égard que ce soit dans les services officiels, dans mon travail ou dans les commerces et dans mes contacts journaliers.

Il est vrai que je suis sans doute dans une situation particulière. À mon arrivée j’ai été prise en charge par un ami et je n’ai pas eu à me préoccuper de mon hébergement, ce qui n’a pas été le cas pour la plupart des réfugiés.

 

Propos recueillis par Roger Peuron

 



[1] Kherson est une ville du sud de l'Ukraine. Elle est la capitale administrative de l'oblast de Kherson. Sa population s'élevait à 279 131 habitants au 1ᵉʳ janvier 2022