Chacun a sa place

par Sylvie Lacombe

Pas de marché sans placier, une organisation rigoureuse s’impose. Exemple, à Mérignac.

 

Chaque samedi, place Charles de Gaulle à Mérignac, dès cinq heures du matin, des portières claquent, des bruits d’objets métalliques résonnent dans le calme de ce début de journée, quelques échanges feutrés se font entendre. Ce sont les commerçants du marché qui s’installent.

Ils sont une centaine de non sédentaires habituels, pour animer cette manifestation et vingt volants, placés en fonction de leur heure d’arrivée et de leur fidélité.

C’est là qu’intervient Christophe Héry, régisseur des droits de place depuis 15 ans

L’Observatoire : Comment se déroule l'installation sur le marché ?

— Christophe Héry : La majorité des commerçants, les abonnés, sont fidèles. Certains sont là depuis la création du marché et s’installent toujours à la même place. Un changement peut entraîner une baisse de recette. Pour les volants, choisis pour la journée, la place est attribuée en tenant compte de la concurrence. Ils préparent leur stand jusqu’à huit heures.

— Quel est votre rôle ?

Je pointe la présence des commerçants pour déclencher le paiement au trimestre ou à la journée pour les volants : 1,30 € le mètre linéaire pour le droit d’occupation temporaire du domaine public plus 1,30 € pour la mise à disposition de l’électricité. Je vérifie l’implantation des stands pour assurer la sécurité des clients. J’échange avec chacun et j’aide en cas de besoin. J’ai la charge de transmettre la recette au Trésor Public.

— Quelles sont les atouts de ce marché ?

Il existe depuis 1985, il est formé de stands de produits alimentaires traditionnels : boucherie, charcuterie, poissons, fruits et légumes, vins. Mais il propose aussi un grand choix de cuisines du monde : vénézuélienne, népalaise, argentine, coréenne, japonaise... La vente de produits bio progresse depuis quelques années. La Mairie a créé une allée gourmande avec tables et bancs où il est possible de déguster les produits, de prendre son petit déjeuner ou un apéritif. On trouve aussi des vêtements, des chaussures, de la maroquinerie, des bijoux, des rempailleurs et quelques créateurs. Des animations, décidées par les élus, favorisent la notoriété du marché : course aux œufs de Pâques, marché artisanal, présence de foodtrucks, omelette géante, marché de Noël.

— Quelles sont les qualités nécessaires pour assurer un bon déroulement chaque semaine ?

Il faut savoir mener de nombreuses tâches dans un temps déterminé ; un bon relationnel est indispensable avec l’ensemble des commerçants anciens et nouveaux. Diplomatie et fermeté sont nécessaires pour faire accepter à un commerçant volant qu’il n’y a pas de place pour lui. La réactivité est importante, en cas de panne du système électrique par exemple car dans cette situation, tous les commerçants sont empêchés. Je peux prêter main forte en cas de tempête ou de pluie violente.

— Quelle est la clientèle de ce marché de centre-ville ?

Elle est diversifiée, familles, jeunes couples et personnes âgées résidant dans le secteur.

Cependant, l’ensemble des commerçants perçoit une baisse des ventes, les achats se font aujourd’hui plus rarement au kilo mais plutôt en nombre : trois pommes, une poignée de cerises etc. De ce fait, la relation entre commerçants est plus tendue car la concurrence est réelle. À 13 heures, le marché se termine, les commerçants doivent quitter la place au plus tard à 14 heures. Les équipes de Bordeaux Métropole viennent chercher les cageots et cartons vides, un prestataire extérieur se charge du balayage pour rendre à la place sa fonction de lieu de passage et de convivialité.

 

 

Julien Filatre, vendeur de chichis

L’Observatoire : Pourquoi avoir choisi la vente de chichis ?

— Julien : Après une expérience de six ans en tant que pâtissier, j’ai décidé de devenir indépendant avec cette activité demandant peu d’investissement de départ. J’ai commencé à vendre mes chichis sur ce marché en 1988.

— Comment expliquer cette longévité ?

Depuis plus de 35 ans, je viens tous les samedis proposer mes chichis au sucre avec un petit goût de vanille, cuits sur place. J’ai un bon emplacement, 80 % de mes clients sont des habituées de 7 à 77 ans. J’adore faire plaisir, voir l’envie et l’impatience dans les yeux des enfants et des plus grands.

 

Je vends plus de 300 chichis à 0,60€ pièce chaque samedi matin, je suis à Blaye et Floirac les après-midis des autres jours. C’est taille et coloris uniques.