L'empi(y)re du feu
Chaque année, l'énigme des incendies volontaires nous laisse entre effroi et perplexité.
Tout au long de l'année, et en particulier l'été, les actualités viennent nous rappeler la tragédie des incendies d'origine accidentelle ou volontaire, les plus spectaculaires étant les incendies de forêt.
On a recensé 343 300 interventions pour incendies en 2010 en France. Les actes de malveillance et de feux volontaires représentent à peu près 30 % des incendies connus.
Identité du feu
On confond souvent l'origine et la cause d'un incendie. L'origine, c'est le point de départ de la combustion (corbeille à papier, fils électriques). La cause est reliée à l'acte : maladresse, geste volontaire, court-circuit, etc. Ces actes peuvent être produits de manière accidentelle, par imprudence ou par malveillance. Si aucune cause accidentelle plausible n'apparaît, on peut légitimement suspecter une origine volontaire. Longtemps on est resté sans véritables statistiques fiables sur les causes, et ce n'est qu'à partir de 2010 que les pouvoirs publics se dotent d'une véritable politique de la mesure.
Une étrange panoplie
Les enfants sont généralement attirés par la magie du feu. La manipulation d'allumettes ou la détention d'un briquet leur confèrent un sentiment de toute-puissance. L'éducation et la prévention les protégeront de possibles maladresses irréversibles.
Allumer un barbecue dans une forêt de pins en plein été relève de l'inconscience ou de la méconnaissance du milieu.
La pratique de l'écobuage dans les zones montagneuses ou accidentées par brûlage de la végétation pour générer un effet fertilisant peut être perçue, pour le néophyte, comme un incendie.
La difficulté dans les actes volontaires d'incendie est leur qualification. La panoplie est longue, de la fraude à l'assurance au camouflage, de la vengeance au vandalisme. Les sinistres les plus courants concernent la destruction de bâtiments à usage industriel ou commercial dont la remise en état serait onéreuse, d'exploitations agricoles ne correspondant plus aux normes, de stocks dévalués.
Que dire de la destruction systématique de sites naturels pour leur attribuer une autorisation à construire ? Si ces attaques de biens entraînent la mort de personnes (incendie de squatts, d'habitations), ces délits sont requalifiés en crimes.
Le passage à l'acte
Toute autre est la dimension de la pyromanie. Dans les actes volontaires d'incendie, pour la personne, il faut distinguer trois dispositions différentes :
– Il peut s'agir d'actes commis dans un état de conflit psychique grave et désorganisateur comme un moment psychotique.
– Cela peut être aussi une manifestation de vengeance à l'encontre d'une autorité ou d'un manque de reconnaissance comme les incendies de voitures dans les banlieues sensibles.
– Enfin la mise en acte et en scène d'une problématique perverse transitoire ou durable : la pyromanie
La pyromanie, étymologiquement vient du grec pyro signifiant chaleur et de mania signifiant folie ou manie, terme employé aujourd'hui.
La pyromanie est une impulsion caractérisée par une fascination du feu et de sa symbolique (puissance, force destructrice, pureté, jouissance). C'est un acte planifié, étudié, prémédité et justifié. Les sujets concernés ont en général subi une éducation répressive ou trop permissive qui ne leur a pas permis la gestion de leurs émotions.
Confronté à une libido dont la mise en acte reste difficile, et néanmoins soumis à une poussée d'énergie qui déclenche une tension insoutenable, le seul moyen de la réduire est d'assouvir la pulsion. Une fois l'incendie allumé, le pyromane ressent une véritable jouissance et un soulagement important. Acteur du spectacle produit, il devient le spectateur de son acte.
Ne s'autorisant pas à la colère, il s'identifiera à celle des victimes. Ce qui explique souvent la présence de l'auteur sur les lieux du crime et sa participation à la « réparation ».
Une lueur d'espoir
30 % des pyromanes ont conscience de leurs difficultés et ont accès à une prise en charge thérapeutique. Le monde ne s'écroule pas si on laisse affleurer ses émotions. Faut-il encore savoir les maîtriser ! Vu de loin, un feu reste un feu avec sa charge émotionnelle. Restent à déterminer quelles sont l'implication et l'intention de la main de l'homme ?
Jean-louis Deysson
décembre 2012