Sinbad le marin
Capitaine d'une superbe goélette, Jean Yves Sainrames vous entrainera, depuis son port d’attache, Bordeaux, à l’aventure hors des sentiers battus.
Il vous accueille avec une grande convivialité sur son bateau tout en bois qu’il a baptisé le Sinbad, un nom évocateur d’évasion. Son visage est entièrement tatoué et il en est fier. « Ce tatouage provient des îles Samoa et a été européanisé car il fallait qu’il soit léger. Pour les autochtones, il représente leur carte d’identité. C’est grâce à cela qu’ils se reconnaissent et lisent les messages » déclare-t-il avec un large sourire. « En France, c’est interdit, mais moi je le fais parce que justement c’est interdit. » Manifestement, Mr Sainrames aime transgresser les lois.
Pirate de l’estuaire.
Quel type de personnage pourrait-il incarner ? Le capitaine Fracasse et ses aventures extraordinaires ? Le héros d’un manga, la BD préférée des ados ? Une certitude : son look éveille la curiosité de tous. Son pseudo, pirate de l’estuaire, lui colle à la peau. Il est rebelle et affiche une âme d’adolescent, un adulescent qui ne s’en laisse pas conter !
Le capitaine, surnommé Zouzou, ne peut se séparer de son voilier Sinbad ; il fait corps avec lui, c’est sa résidence et sa vie ici sur la Garonne, son port. Il est né sur les quais, a partagé la vie des dockers avec tout ce fourmillement d’activité.
Le Sinbad
Le bateau a toute une histoire : « À l’ origine, c’était une épave. Le propriétaire, un diamantaire parisien, ne pouvait le rénover, n’étant pas sur place. Un devis de démolition a été décidé et je l’ai repris tel quel. J’ai formé des charpentiers qui sont venus me donner un coup de main pour le rendre attractif. Il aura fallu 4 ans de travaux pour en faire aujourd’hui le plus vieux Bénéteau, encore à flot. » déclare Zouzou avec passion.
Ainsi restauré, le navire est en attente d’être reconnu et classé bateau d’intérêt patrimonial. Le Sinbad a deux missions : d’abord, créer une école de voile, accueillir à bord des stagiaires pour leur faire découvrir la faune et la flore marine, leur apprendre le respect de la vie en communauté, leur enseigner la gestion de l’eau, des énergies, en cheville avec l’association de Nicolas, l’éco navigation. Ensuite, réaliser des projets humanitaires en acheminant du matériel médical vers l’Afrique défavorisée.
Les mois d’été, le navire organise des sorties le long des rives du fleuve : l’Estuaire et ses îles, visite de Bourg sur Gironde, Blaye, Bordeaux.
À l’abordage !
Le cap’tain est un navigateur passionné et un grand aventurier « cela fait 38 ans que je navigue ! » s’exclame-t-il, une flamme dans le regard. Il a vogué principalement en Afrique : Éthiopie, Somalie, Kenya, Tanzanie, Yémen, Sénégal. « Jai vécu 6 ans en Afrique, je connais très bien les Africains, j’ai fait tous les métiers du monde : j’ai travaillé dans une centrale à Djibouti, j’étais prospecteur d’or en Guyane, mon bateau servait de charter pour les promenades et j’emmenais des plongeurs au large, sur des sites privilégiés. En 1976, j’ai skypé un trois mâts de cinquante mètres des îles Samoa, en Malaisie jusqu’à Djibouti.
Cet aventurier a voulu mettre les pieds dans les traces de Henri De Manfred, hors des sentiers battus et lorsqu’on lui demande s’il n’a pas quelque crainte de naviguer vers les côtes somaliennes, il répond avec ironie : « Non, mais qui sont les pirates ? On leur prend leur ressource, le thon rouge ; ils n’ont rien, ils essaient de survivre. »
Certes, le capitaine Zouzou cultive son originalité et s’amuse à affirmer sa manière de vivre autrement car être coulé dans le moule ne l’intéresse nullement. Il a su le prouver. Sa tête est toujours pleine de projets. L’un d’eux se concrétise avec une commerciale ; la journée VIP. Les clients étrangers qui viennent à l’hôtel Régent se rendront en limousine au miroir d’eau ; le Sinbad les conduira à Blaye où une calèche les attendra pour visiter la citadelle.
Nul doute pour le futur de ce pirate de l’estuaire. De nouvelles aventures se préparent. Il assure en avant première la promotion du film « Pirate des Caraïbes » à qui il pourrait s’identifier. Peut-être un rôle à jouer ?
Mais le plancher du sol ne semble guère représenter son univers. Très vite ce marin, assoiffé d’espace, repartira vers d’autres contrées, au gré du temps et du vent.
Élisabeth Gillon