Parc aux angéliques
Rive droite de la Garonne, les berges étaient industrielles, elles sont désormais un petit coin de paradis pour les Bordelais et la nature, en rupture avec la rive gauche très minérale.
Photos de Marie Depecker
Face aux belles façades du XVIIIe siècle, la rive droite de la Garonne se métamorphose. C’est le jardin bucolique des bordelais : pique-niques, jeux de ballons, cirques, sport, cerf-volant, lecture sous l’arbre…et pourquoi pas sieste, tout est permis sur les vastes prairies. Au XIXe puis au XXe siècle, en plein vignoble des Queyries, des équipements industriels et militaires sont construits : la Halle aux farines en 1852, la gare d’Orléans, achevée en 1862, la caserne Niel à partir de 1876, les Grands Moulins, pour accueillir les cargaisons de céréales du port, inaugurés en 1921 et des chantiers navals aussi… Après le déplacement des activités portuaires vers Bassens et le déclin de l’industrie, que faire de ces espaces progressivement abandonnés ?
Une coulée verte
Les terrains sont rachetés par la ville de Bordeaux au Port autonome pour réaliser le Parc aux angéliques qui conquière progressivement toutes les berges du pont Chaban-Delmas au pont Saint-Jean. Les travaux sont presque terminés. Les arbres sont des éléments clés de la structure du parc, conçu par le paysagiste Michel Desvigne. Ils sont plantés en bandes perpendiculaires à la Garonne, accompagnées de cheminements verts. 45 000 plantes appartenant à des espèces indigènes sont réintroduites dont des frênes, des érables, des merisiers, des charmes. De vastes prairies rustiques ou fleuries accueillent les promeneurs aux beaux jours pour pique-niquer, se détendre ou jouer. Les eaux de ruissellement sont directement renvoyées vers les parties plantées pour éviter la surcharge du réseau d'assainissement. La voie pavée et les rails, vestiges de l’ancienne activité économique sont conservés, doublés d’une piste pour les cyclistes.
Refuge pour l’angélique
En longeant la Garonne dont les rives sont aujourd’hui protégées par une petite palissade en bois, les plantes s’épanouissent joyeusement dans la vase, soumise aux marées d’eau douce faiblement salées. Au printemps et en été, une belle géante élancée domine la jungle végétale : avec ses longues tiges d’un ou de deux mètres et ses bouquets de petites fleurs blanches, elle ressemble à la carotte sauvage. Sont-elles cousines ? Oui elles font partie de la famille des Apiaceae. C’est l’angélique des estuaires. Son histoire commence en 1860 quand elle est découverte par un botaniste anglais James Lloyd. C’est une plante rare, endémique des estuaires de la façade atlantique. Mais longtemps ignorée des scientifiques et des habitants, elle a failli disparaitre, tuée par les pollutions industrielles, les plastiques, l’urbanisation mais aussi les rejets de déchets verts qui favorisent la prolifération sur les berges d’espèces végétales étrangères au milieu naturel et invasives. Heureusement depuis 2007, pour la protéger, un partenariat est engagé entre les collectivités territoriales concernées d’Aquitaine et de Poitou-Charentes, l’Etat et le Conservatoire botanique Sud-Atlantique.
Entre nature et culture
Si la rive droite de la Garonne est d’abord un lieu de balade ou d’activités de plein air, la culture y règne aussi. En suivant le sentier qui vous mène des pontons du Batcub au restaurant la petite Gironde, découvrez, gravée sur des panneaux de pierre, la vie et l’ébauche d’une œuvre d’un jeune poète bordelais Jean de la Ville de Mirmont, fauché à 28 ans sur le Chemin des Dames en 1914. Plus loin dans la grande prairie, le buste d’un personnage dont le regard est dirigé vers l’estuaire. C’est pour vous l’occasion de vous rappeler qui était Toussaint-Louverture. Vous penserez peut-être que l’hommage de Bordeaux, ancien port négrier, au père de l’indépendance haïtienne, est bien timide !
Si vous vous penchez sur les panneaux pédagogiques qui jalonnent le parc, vous saurez tout sur la flore ou la faune des rives du fleuve. Enfin vous pourrez prolonger votre balade jusqu’au Jardin botanique pour découvrir la reconstitution des milieux naturels de la région, des jardins potagers et les serres aux espèces tropicales. De quoi nourrir votre soif de connaissances botaniques.
Le Parc aux angéliques, c’est un peu la campagne à la ville.
Marie Depecker