Écluses

 

À vingt minutes de l’autoroute…des plaisanciers…une devise : « Lentement, c’est encore trop vite ! »

 

Capitaine en vélo (photo D. Hilloulin)

Le site s'offre au regard dès le passage du pont (dit) Eiffel. Puis, à main gauche, le chemin du Moulin nous amène de la dernière écluse du canal de Garonne à la halte fluviale de l’écluse 52. Escale à Castets-en-Dorthe*.

 

Ô temps suspends…

La citation vient à l’esprit : platanes centenaires, nuancier du ruban d’eau, aménagements pour promeneurs, voie verte, embarcations à quai. Ici, le contemplatif peut imaginer les péniches d’antan se présentant au bief, à l’époque de la marine marchande. De même, se représenter le meunier local prenant en charge l’ouverture des pertuis, sans oublier l’évocation des chevaux de trait sur le chemin de halage. Depuis lors, les camions ont supplanté ce mode de transport, mais les infrastructures de l’ancien canal latéral, reliant Toulouse à Castets sont restées en place : voie fluviale construite entre 1838 et 1856, sur les traces de Paul Riquet (1604 ?-1680), fermier des gabelles du Roy et entrepreneur de génie. Ainsi fût prolongé le canal du Midi (Sète/Toulouse), rendant enfin possible la jonction de la Méditerranée à l’Atlantique, sur environ 450 km.

 

Capitaine en vélo

En Octobre 2010, la Communauté des communes du Pays de Langon a réhabilité le développement du port de Castets et de l’écluse des Gares (52) : passage des plaisanciers, promenade des fluvestres et amoureux du canal. En 2011, la gestion de l’ensemble fût confiée par Voies Navigables de France à la Lyonnaise des Eaux. Bruno Chanal, capitaine, assure cette responsabilité « avec engagement et dévouement », reconnu en ces termes dans le Livre d’or de son site**. Il y est aussi crédité d’un amical sobriquet, « capitaine en vélo », en raison des multiples allers-retours quotidiens entre la capitainerie et les pontons d’amarrage. Son activité inclut principalement la coordination générale de la halte nautique, les prestations de conciergerie et d’infos pratiques au service des itinérants fluviaux, très demandeurs. Écoutons ce qu’en disent Madeleine et Joseph, voyageurs helvètes, au mouillage : « Nous faisons à peu près 400 écluses par an, moyenne des plaisanciers actifs, la qualité du service et de l’accompagnement est essentielle pour nous. Alors, quand on a, à la fois, la prestation et le dynamisme ! »

 

Long village

À leur tour, des propriétaires britanniques d’un bateau voisin nous racontent : « les vrais (de vrai) c’est comme une grande famille, c’est long village !» Et de nous narrer : « Nous avons déjà descendu le fleuve jusqu’à Bordeaux, pour y retrouver des amis australiens. » Séduisantes perspectives quand on vient de quitter le trafic de la quatre voies bitumée et que l’on recense mentalement les vues imprenables depuis la maison flottante des navigants : vignobles de Sauternes, Sainte-Croix-du-Mont, Loupiac, Cérons, Graves… jusqu’aux premières Côtes de Bordeaux. Mentionnons à cet égard que, depuis le 1er avril 2016, L’Hirondelle et La Gondole, navettes de Batcub, sont présentes sur la ligne d’eau allant de Bordeaux (Quinconces) à Castets (port), avec escale à Langon et Cadillac. (un beau poisson !)

 

Allez, passons l’écluse !

15 heures. Le Simonszand nous prend à bord. Bribes de conversation avec le capitaine tandis que nous glissons en direction de la perche d’ouverture automatique de l’écluse : « cinq bateaux passent l’écluse chaque semaine en montant ou en descendant.» Plus loin, saluant les pêcheurs sur les berges « le canal sert aussi de terrain de jeu à de nombreuse activités humaines », et à la vue des champs labourés, « beaucoup de cultivateurs puisent l’eau en la payant » ; enfin, complément d’information sur le retour d’investissement pour les communes : « à chaque escale, un plaisancier dépense environ 70 euros par personne et par jour.» Puis, signal du feu vert oblige, l’embarcation vient s’immobiliser dans le sas de béton qui va la contenir durant la montée des eaux tourbillonnantes. Important bruit de cascade. Ascension lente vers le niveau d’amont. Ouverture des vantelles et des énormes portes. Sensations d’apesanteur. Et voilà que, devant nous, s’ouvrent à nouveau « l’eau verte du canal »*** et les hautes ramures côtières : impression permanente de suspension du temps. Prochaine escale ? On sait où…mais on ne sait pas quand !

Dominique Hilloulin

 

*33210 Castets-en-Dordogne

**http://wwwsimonszand.net

***Toulouse de Claude Nougaro