Au bout du pinceau

 Le blanc éclaire la peinture et inspire les artistes.

L'affiche du FRAC nous invite à visiter l'exposition sur le blanc dans l'art contemporain (D.R.)
L'affiche du FRAC nous invite à visiter l'exposition sur le blanc dans l'art contemporain (D.R.)

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blanc : le FRAC Aquitaine* expose jusqu’au 16 avril des œuvres issues de sa collection dont le point commun est la couleur blanche, fondamentalement liée à l’histoire du modernisme et des avant-gardes.

À peine perceptible ou clairement affichée, de ses origines à nos jours, elle n’a cessé de fasciner les artistes peintres. Mot issu du germanique blank qui signifie lumineux, sans tâche, brillant, clair comme la craie ayant servi à dessiner dans les grottes préhistoriques mais aussi comme les pigments blancs de cérusite utilisés pour les supports d’écriture et d’enluminures. D’aucun ont avancé que ce n’est pas une couleur mais une valeur, d’autres que c’est la réunion de toutes les couleurs.

 

Le blanc-lumière

Il n’apparaît pas dans la gamme chromatique car il réfléchit la lumière et la disperse par réfraction pour nous éblouir de toutes les autres par un arc-en-ciel. Le blanc est riche, il peut être brillant ou mat, léger ou saturé, lumineux ou terne ; sa difficulté particulière a tenté de nombreux artistes.

Le blanc est un révélateur de couleur, sans lui les autres n’existent pas. Il a été utilisé comme apprêt pour faire un fond uniforme. Cette couleur a la faculté de mettre en valeur ou de faire varier l’intensité en créant des nuances, une atmosphère, une dynamique. Aussi infime soit-elle la petite touche de blanc capte votre attention, attire votre regard sur la pupille de la Joconde, le reflet du miroir et l’usage du contre-jour dans Les Ménines de Velasquez ou vous fascine au point de vous aspirer pour vous faire basculer de l’autre côté du tableau.

Au fil des époques, il laisse sa trace. Les peintres de la Renaissance italienne (1475-1564) s’en servent pour jouer avec la lumière. Le Caravage met au point le procédé du clair-obscur qui sera porté à son apogée par Rembrandt. « Il m’importe plus de peindre la lumière plutôt que les objets qu’elle éclaire. » Et que dire de ces magnifiques portraits où les visages sont sublimés par le blanc des coiffes ou des fraises et des cols de dentelle sur des vêtements foncés. Léonard de Vinci crée le fameux sfumato par pénétration du clair dans le sombre. Un jour ou l’autre chaque peintre a été inspiré par le blanc de la neige ou le plumage d’un oiseau, comme Monet quand il peint Glaçons sur la Seine à Bougival ou La Pie en 1869.

 

Une couleur signifiante

Les nouveaux courants esthétiques du début du XXe siècle remettent en question l’art figuratif et mènent une réflexion sur les formes et la couleur. La démarche artistique prend du sens et aboutit à l’art abstrait. Les couleurs et la façon dont elles sont disposées sur la toile ont une signification. L’exploration de toutes leurs capacités à créer de l’émotion amène ou ramène immanquablement les peintres en quête d’absolu jusqu’au blanc. L’aboutissement de l’abstraction minimaliste ou suprématisme est manifeste dans la réalisation du fameux Carré blanc sur fond blanc, premier achrome de l’histoire de la peinture par Kasimir Malevitch en 1918. Est-ce un espace mystique infini, une méditation cosmique ?

Dans ses œuvres, Vassily Kandinsky associe le blanc à une quête spirituelle. Pour lui cette couleur « agit sur notre âme comme le silence absolu ». Quant à Piet Mondrian, il pousse la provocation à l’extrême en exposant une toile vierge encadrée de blanc sur un mur blanc. Parmi nos contemporains, Roman Opalka répond-il à un besoin existentiel lorsqu’il associe le blanc à son interrogation sur l’espace-temps ? Jour après jour, il recouvre ses toiles en peignant des nombres croissants dont les chiffres deviennent de plus en plus blancs, au point qu’il est difficile de les distinguer du fond.

« Blanc absolu, blanc par dessus toute blancheur, blanc de l’avènement du blanc. Blanc sans compromis, par exclusion, par totale éradication du non blanc. Blanc fou, exaspéré, criant de blancheur. Fanatique, furieux, cribleur de rétine. Blanc électrique, atroce, implacable, assassin. Blanc à rafales de blanc. Dieu du blanc », écrivait Henri Michaux en 1966.

On évoque le rouge Rothko, le bleu Klein mais le blanc infini, absolu n’a toujours pas trouvé son maître.

 

Solange Bergougnoux

 

*Fond Régional d’Art Contemporain d’Aquitaine

Bassin à flot n°1

Quai A. Lalande-Bordeaux