Bouillon de culture
Coup de chapeau à Philippe Fournier, le marchand de journaux de Mérignac-Mondésir, devenu libraire de référence.
C’est à la Maison de la Presse de Mérignac-Mondésir que Philippe Fournier a posé ses dernières valises en 2006. Son amour des magazines l’a conduit là pour terminer un parcours professionnel commencé à 14 ans comme barista* puis apprenti imprimeur et dans la presse depuis 1990. La lecture d’un petit livre va orienter sa fin de carrière vers une aventure humaine passionnante.
Il est né en 1959 à Laval dans une famille modeste. Philippe, engagé très tôt dans une vie active où les fins de mois sont rondes mais les journées épuisantes, rentre au Courrier de la Mayenne. Le travail y est intéressant mais l’évolution de carrière désespérante pour ce père de famille. Retour à la case serveur pour quelques années de plus. À la naissance des jumeaux en 1988, une année de congé parental lui fait mûrir le projet de prendre un commerce dans la presse et … direction Bordeaux. La première impression est calamiteuse, il manque rebrousser chemin mais le contact avec le magasin de Caudéran le séduit ! C’est parti pour 17 ans de bagne ouvert 7 jours sur 7 dans un quartier peu chaleureux. Après la revente en 2005, il se lance dans la franchise Maison de la Presse à Mondésir, plus populaire et animé. Les anciens propriétaires préféraient les livres aux journaux, pour Philippe ce sera l’inverse.
Rencontres décisives
Philippe suit les chroniques littéraires de Gérard Collard, libraire à Saint-Maur-des-Fossés et chroniqueur TV ; sur ses conseils, il emporte avec son maillot de bain Poussière d’homme de David Lelait. Nous sommes en 2015, Philippe vient de tomber dans le livre. De retour au magasin, il n’a de cesse de le conseiller autour de lui : en 10 mois, il vend 1500 exemplaires. Curieuse, Anne Carrière, l’éditrice (fille de Robert Laffont) lui rend visite, suivie de l’auteur ; une belle rencontre dans un lycée de Pessac avec une classe conquise scelle une grande amitié. La suite s’enchaîne d’une façon incroyable : David Lelait est journaliste des stars, il l’introduit dans le milieu des maisons d’édition, l’invite aux rentrées littéraires, lui présente Marina Carrère d’Encausse et Line Renaud (énormes séances de dédicace avec 3 heures d’attente) et le promène avec Gérard Collard dans les Salons du livre de Brive à Paris. Les fiches de lecture sont assurées par Philippe, son personnel et par des clients, lecteurs enragés ! Ce lieu modeste coincé dans un supermarché basique devient un mini bouillon de culture : des gens qui ne lisaient pas ou peu se laissent tenter par le dynamisme et les choix de Philippe : il se passe toujours quelque chose ici et beaucoup de romanciers locaux sont attirés par la proximité du lieu avec une clientèle fidèle en attente de conseils pour des livres simples et beaux, en marge de nos institutions bordelaises.
Lanceur de livres
C’est Anne Carrière qui lui a demandé d’encourager Roland est mort de Nicolas Robin. Philippe s’en acquitte si bien que le millier d’exemplaires vendus est atteint en un temps record : Nicolas Robin interviewé sur LCI remercie même publiquement Philippe. Puis celui-ci découvre le très beau livre de Valérie Tong Cuong Par amour. Au jury du Prix de la Maison de la Presse, il défend son auteure bec et ongles pour la voir coiffée par Philippe Besson. Qu’importe Par amour a le prix de la librairie de Mondésir. Un autre de ses chouchous, Baptiste Beaulieu, le médecin toulousain blogueur bat des records avec La ballade de l’enfant gris.
Autre mission pour Philippe avec les Psychopathes du polar : l’organisation de la manifestation Polar entre deux mers à Fargues-Saint-Hilaire où rencontres et conférences avec une quarantaine d’auteurs attirent adultes et enfants.
Qu’est ce qui manquera le plus à Philippe à la retraite ? Les clients, les Salons du livre ou l’after à Brive à la fermeture du Salon?
Édith Lavault
* barista : serveur spécialisé dans la préparation des boissons au café
28 % d’augmentation de chiffre d’affaires en librairie sur l’année écoulée
Sachant qu’un auteur vend en France en moyenne 300 exemplaires de son livre, à Mondésir :
Baptiste Beaulieu et David Lelait : + de 4000
Valérie Tong Cuong : 1500
Nicolas Robin et François Fuentes : le millier