Nous voilà bien ! Il y a dix-huit mois, nous avions le monde à portée de main. Une épidémie et trois confinements inoubliables plus tard, nous nous félicitons de circuler de nouveau en France sans limitation ni attestation. Les temps ont donc changé. Nous rêvions du Zambèze, nous voici en Corrèze. Nous voulions voir Melbourne, nous irons voir Vesoul.

Le seul bon côté du Covid, c’est qu’il a donné un coup d’arrêt à la boulimie des déplacements. Il nous oblige à composer avec un domaine plus proche, plus abordable, plus économe. En grinchant ou en applaudissant selon qu’on fait partie des adorateurs du développement carboné ou de ses contempteurs, chacun a, peu ou prou, entamé sa révolution culturelle. Nous étions citoyens du monde, nous voici, tels le peuple de l’herbe du film Microcosmos, réduits aux explorations cantonales.

Consignés comme des pestiférés, le temps nous a été laissé de confesser nos péchés. Combien de fois prenions-nous l’avion chaque année, s’est demandé l’un ? Avions-nous vraiment besoin de cette croisière pour apaiser provisoirement notre fringale d’ailleurs, s’interroge une autre ? Fallait-il à tout prix survoler un quart de la planète pour galoper pendant une semaine au pays du soleil levant et pouvoir affirmer au retour : « on a fait le Japon » ?

Depuis quelques années aussi, nous assistions, horrifiés, à une floraison de massacres patrimoniaux comme l’inexorable destruction de Venise par des bateaux aussi monstrueux que hideux, au bétonnage éhonté des dernières côtes sauvages ou même à la floraison des locations saisonnières qui repoussent de plus en plus loin des centres villes, les gens qui y travaillent.

La question se pose désormais : conscients que nous sommes des dégâts irrévocables qu’a occasionnés la folie des voyages, avons-nous envie de continuer ainsi ? Sans nous installer dans la posture du donneur de leçon, nous sommes nombreux à vouloir vivre autrement le dépaysement, à commencer par regarder enfin tout ce que nous ne voyions pas.

Grâce aux bornes fixées à notre liberté lors des confinements, nos yeux se sont dessillés, nos esprits se sont éclairés et il n’y a plus à chercher bien loin pour apprécier l’essence de ce qui nous entoure. Un ciel d’Atlantique, des pierres qui chuchotent, un chemin fleuri qui mène à une bastide, une forêt qui respire, des gorgées de beaux crus, des villes, des villages, des places, des castels, des chapelles, des paysages que nous avions oubliés à force de les croiser. En guise de kérosène, la soif de respirer ; à la place du passeport, une boussole ; pour remplacer l’anglais de cuisine, la discussion avec le passant…

Acteurs de notre vie, auteurs de nos loisirs, cela ne nous empêche pas de rester des citoyens du monde, mais en étant conscients que l’avenir de la planète dépend de nous.

Oui, nous voilà bien ! Nous voilà bien en Gironde.

Jean-Paul Taillardas