Angleterre-Australie à Bordeaux
Rencontre improbable entre une étudiante anglaise et un rugbyman australien.
En 1989, Amanda effectue une année universitaire à Bordeaux. Dans le même temps, Russel pratique le rugby à XIII à Bègles. C’est au cours d’une soirée dans un café
de la place de la Victoire que leur match a débuté.
La conquête
Amanda, étudie les langues étrangères (Allemand-Français) en Angleterre. Par ailleurs, elle pratique le théâtre et la comédie musicale et rêve de faire carrière
dans ce domaine. Elle choisit Bordeaux pour son année de fin d’études.
À Sydney, Russel abandonne son métier d’enseignant en Histoire et Anglais pour se consacrer au rugby à XIII, sport plus populaire le rugby à XV en Australie. Il
effectue de petits boulots qui lui permettent, en fin de saison sportive, de partir à la découverte de la culture et des traditions aborigènes qui le passionnent. Il parcourt le bush à la
rencontre de cette civilisation millénaire. Un jour, un ami, rugbyman à Bègles, lui propose un contrat pour intégrer l’équipe. Le salaire se résume à un billet d’avion aller-retour si le projet
ne se réalise pas. En fait, le jeune deuxième ligne s’impose dans l’équipe du RC Bègles XIII.
Les deux jeunes gens se rencontrent autour d’un verre et c’est le coup de foudre ! Amanda doit repartir terminer sa licence en Angleterre, mais c’est décidé elle
reviendra à Bordeaux pour Russel.
Le regroupement
En 1991, Amanda et Russel se retrouvent et partagent ce qui deviendra leur aventure commune. Russel perfectionne son français avec quelques erreurs
d’interprétation. En effet, Il pense que les mots qu’il entend fréquemment en début de phrase sont des articles. En fait, dans le langage populaire régional ce sont des interjections triviales. À
cela s’ajoute la difficulté pour les anglo-saxons de prononcer le son « u » qui chez eux se transforme en « ou ». Il raconte aujourd’hui avec un grand sourire :
« J’entendais toujours dire par mes coéquipiers ce “ p…. d’arbitre” ou encore “ enc…”. Pour moi, c’était des articles qui précisaient des noms. J’ai aussi, en toute bonne foi, serré la main
du président du club en lui disant “salaud” au lieu de salut ! » Le sport n’était pas vraiment professionnel et il fallait que le couple trouve du travail. Dans un premier temps Amanda est
assistante de langue au lycée et en école primaire, puis tous deux enseignent l’Anglais en formation continue pour les cadres et employés des entreprises industrielles. Elle postule à l’École
nationale de la magistrature à Bordeaux. Elle crée et développe le département des langues au sein de l’école. Ils vivent dans un appartement proche du quai Richelieu. Le bruit de la circulation
sur les quais qu’ils comparent à une autoroute, les « bars louches » la nuit, la saleté des trottoirs, les incivilités les dérangent et les interrogent. Néanmoins, ils s’accordent
à dire : « malgré ses défauts, ses inconvénients et sa noirceur, Bordeaux est une belle ville ».
L’essai transformé
Depuis, ils ont déménagé pour un quartier plus tranquille à Caudéran et l’embellissement de la ville les ravit. Amanda est contractualisée à l’ENM, Russel retrouve
son métier d’enseignant d’Anglais à l’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux à Gradignan. Il anime des ateliers sportifs auprès des enfants du quartier des Aubiers. Deux
enfants, Molly et Jasper, complètent la famille. Ils ont des facilités pour langues étrangères : anglais à la maison et français au dehors. Jasper pratique, bien évidemment le rugby. Amanda
vient d’obtenir en novembre 2017 la nationalité française, ce qui l’a soulagée dans la crainte qu’elle avait du Brexit et de ses conséquences pour les Britanniques travaillant en
France.
Bordeaux est leur ville d’adoption où ils se sentent parfaitement intégrés. Ils la parcourent tous les jours à vélo avec leurs enfants. L’Angleterre n’est pas loin
et Amanda peut revoir régulièrement sa famille. Russel doit attendre les vacances estivales pour revoir les siens pendant l’hiver en Australie…, mais la température est douce à Sydney. C’est un
match où il n’y a que des gagnants !
Jean-Pierre Ducourneau