Aquitaine, terre d'immigration
Le port de Bordeaux de Pierre Lacour (Musée des Beaux-Arts de Bordeaux)
L’Aquitaine a toujours servi de refuge pour de nombreux étrangers au cours des siècles passés.
À cause d’Aliénor, le territoire du Sud-Ouest est anglais à partir de 1154. Il faut attendre la fin de la guerre de cent ans pour que la région redevienne française. Nous conservons de cette période quelques bastides, leurs empreintes.
Terre d’asile
Depuis la fin du Moyen-Âge, l’Aquitaine est à plusieurs reprises le point de passage de grandes migrations vers les Amériques. À commencer par l’exil sous la Réforme (Luther, Calvin) des protestants, des juifs, des Béarnais, des Basques, elles se poursuivent sur le plan spirituel vers les chemins de Compostelle. Elle est souvent un havre pour les persécutés politiques et religieux : ibériques, juifs séfarades, portugais fuyant l’Inquisition vers Bordeaux.
Beaucoup plus tard, dans les années 20, la région accueille également plusieurs milliers de réfugiés politiques et de juifs d’Europe centrale et orientale, des Balkans et du Caucase. Au moment de la guerre civile d’Espagne, surtout pendant La retirada de l’hiver 1939, près de 18 000 Républicains sont parqués dans des centres de concentration car soupçonnés d’être communistes. Le camp de Gurs, dans les Pyrénées Atlantiques, voit mourir 1 000 prisonniers par manque de nourriture et de soins médicaux. Une part notable de cadres espagnols exilés reste alors cachée et certains coopèrent avec la Résistance française. Le second afflux est lié aux exodes progressifs fuyant les armées allemandes et convergeant par centaines de milliers surtout vers Bordeaux et Hendaye, points de sortie terrestre et maritime. De nombreux alsaciens et mosellans, expulsés de leurs régions annexées, s’installent en Dordogne où plusieurs milliers restent après 1944.
Bordeaux, port colonial
À la Renaissance, de nombreux étrangers en provenance d’Europe du nord, de Hollande et d’Espagne s’installent en Aquitaine pour faire du commerce maritime avec les Amériques et les colonies grâce aux deux fleuves, Dordogne et Garonne. Ils acheminent les denrées en provenance des colonies, déchargées dans les grands ports de Bordeaux, Bayonne et Pauillac.
Jusqu’au XIXe siècle, ils investissent dans l’économie locale : négoce portuaire, exploitation viticole, terres agricoles et construction. Bordeaux joue un rôle déterminant avec l’arrivée des premiers esclaves venus du continent africain. Et devient le deuxième port négrier français après Nantes en participant à 500 expéditions environ entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle. Sous la IIIe République, la région est devient un axe stratégique avec l’expansion du deuxième empire colonial du monde grâce aux ports de Bordeaux et Bayonne.
Migrations économiques
Lors de la première guerre mondiale, le gouvernement français a recours à une main-d’œuvre étrangère, espagnole, italienne, polonaise, vietnamienne, sénégalaise pour pallier l’absence des hommes en âge de combattre pour le pays. Ces populations s’installent dans les villes importantes comme Bordeaux, Pau, Bayonne et sur la côte basque. Les quartiers Saint-Pierre et Saint-Michel, le vieux Bordeaux deviennent leur seconde patrie.
Durant l’entre-deux guerres, l’Aquitaine devient une région de forte immigration représentant jusqu’à 6 % de la population régionale. En 1946, l’Aquitaine ne compte plus que 4,5% d’étrangers mais les années 1950-60 voient arriver, sous les mandats du Général de Gaulle et de Giscard d’Estaing, une main d’œuvre bon marché composée d’espagnols, d’italiens, de portugais, de marocains et d’algériens pour assurer les grands travaux d’infrastructure de l’industrie locale, de l’agriculture et de la viticulture.
En 1975, la région compte 145 000 immigrés et 15 000 saisonniers. Actuellement des familles entières nous parviennent du Maghreb, d’Afrique centrale, des pays de l’Est, du Proche et Moyen-Orient. Cet afflux provoque de graves problèmes de logement, d’intégration et de religion. Mais généralement, l’immigration étrangère est un bienfait pour le pays récepteur, elle est un facteur d’expansion économique.
Arlette Petit