Des Anglais en Aquitaine
La belle affaire me direz-vous ! Depuis Aliénor, notre sol
est foulé par des Britanniques qui ont contribué à notre vie locale. Même notre chef d’orchestre a posé ses valises à Bordeaux en 2013.
La Nouvelle-Aquitaine est la 1ère région d’accueil en France avec près de 40 000 britanniques soit cinquante fois plus qu’en 1968. La première vague remonte à 1999 : ils sont venus pour des vacances ou pour rendre visite à des amis et sont tombés sous le charme de nos campagnes ensoleillées et tranquilles, ponctuées de maisons de caractère. Ils sont regroupés aux confins de nos départements ruraux, délaissant le littoral inabordable.
Le coup de cœur
Dan fait de brillantes études à Londres quand il tombe sur l’âme sœur bordelaise et la suit dans son retour au bercail ; il est ainsi arrivé à Bordeaux en 2003, se souviendra longtemps des 40°C dans le studio et de la course entre les jobs au supermarché du centre et la cuisine du pub des Chartrons. Mais ses diplômes lui permettent rapidement de décrocher un emploi dans une entreprise d’assurances et d’investissement britannique à Mérignac. Depuis, deux petites filles sont arrivées et la famille vit dans les Graves où Dan pédale le week-end avec délectation, sans regretter une seconde son Manchester natal.
Quant à Penny, arrivée il y a dix-huit mois avec la farouche envie de vivre ici. Au bout de quinze jours, sans parler un mot de français, elle trouve un emploi de livreur de pizzas à Caudéran ; en août dernier, elle a racheté le fonds, s’est mise au four grâce aux conseils de son mari d’origine italienne, tout en perfectionnant son français.
C’est souvent une rupture professionnelle, un licenciement, une reconversion ou un changement de vie comme la retraite, assortie d’un ras le bol de la vie trépidante et polluée de GB qui précipite nos Anglais vers les aéroports de Bergerac ou Limoges. Jusque-là moribonds, ils reprennent vie en 1999 et depuis, 80 % de leur trafic y est consacré. Un pan entier de l’activité économique de ces régions en dépend actuellement.
Dordogneshire
Environ 10 000 Britanniques vivent en Dordogne : ils sont arrivés en couple, avec ou sans leurs enfants, plus de la moitié pour une retraite paisible dans un cadre idyllique. Ils ont adoré la région et ont décidé de s’y fixer. Et pour cette installation, ils peuvent compter sur la FBCCI (chambre de commerce et d’industrie franco-britannique de Dordogne) dont Roger Haig est le Président. Arrivé il y a 25 ans et après la direction de lycées hôteliers, il met son expérience et son français parfait au service de l’intégration de ses compatriotes : un site dédié (F.R.O.G) détaille par le menu les formalités administratives, donne toutes les adresses utiles et accompagne pas à pas les nouveaux arrivants. Roger leur consacre personnellement une à deux journées par semaine et une fois par mois, enregistre 20 nouvelles entreprises voire 25 depuis l’annonce du brexit ! Ils montent des cabinets d’architecture, d’informatique, sont micro-entrepreneurs dans tous les domaines : artisanat, bâtiment, commerces et même l’aide à la personne car les retraités anglais vieillissent eux aussi. Ils sont épiciers, bistrotiers, viticulteurs, conseillers municipaux, mettent leurs enfants à l’école, redonnant vie à des bourgades en faillite (jusqu’à 15 % de la population, 10 enfants scolarisés par école) ils ont un journal et une radio, enfin quoi ils vivent ! Roger Haig est l’ambassadeur de la Dordogne au French Show de Londres où il occupe un stand de 56 m2, très fier de sa ligne directe London/Bergerac. Il fait tout pour éviter, après le brexit, une hémorragie comparable à celle de la crise de 2008.
Et maintenant ?
Le brexit risque de mélanger les cartes : l’avenir du commerce, lié à la TVA et aux taxes douanières qui pourraient s’établir, devient incertain. Nombre de retraités s’inquiètent de leur protection sociale, assurée jusque-là par un partenariat entre les deux pays. Mais personne n’a vraiment les moyens de retourner en GB et surtout pas l’envie. Une des solutions pourrait être la binationalité avec de longues formalités « à la française » mais une chose est sûre, les Britanniques n’ont pas fini de fouler notre sol aquitain et c’est tant mieux.
Edith Lavault