Céramique sculpture
Les fontaines sont photographiées par M. Depecker, P. Guillot et D. Sherwin-White
Les fontaines en céramique ont été inaugurées le 13 septembre 2018, place- jardin Adolphe Buscaillet, à Bordeaux.
Clémence Van Lunen, les a imaginées et réalisées, dans le cadre de la commande Garonne. La place Buscaillet se trouve dans le quartier populaire de Bacalan, proche des bassins à flot. Sur un coté de ce grand espace, peu fréquenté, se nichent les fontaines : une très grosse cruche, un empilement de socles, vases et fleurs en grès partiellement émaillés de couleur rose bonbon, jaune, vert et bleu. Une fontaine à boire : de la bouche d’un singe, sort de l’eau potable. C’est joyeux, coloré, comme dessiné par et pour des enfants : l’ensemble permet à l’eau de déborder, briller, rebondir et aussi désaltérer.
Se bat avec la terre
L’instabilité et la fantaisie voulue par la céramiste, ont nécessité les compétences de bureaux d’études, d’architectes, de ferronniers et d’un fontainier passionné ! Trois tonnes d’argile ont été nécessaires pour modeler cet ensemble de plus de quatre mètres de haut. Tous les éléments ont été cuits à 1260 degrés. Pour la grande cruche rose, l’artiste s’est déplacée au Pays Bas, a travaillé la terre à même la sole du plus grand four, en superposant les boudins2, en étayant la base pour pouvoir continuer à monter la sculpture. Le défi ; réaliser la plus grande forme dans une céramique très résistante, afin d’être exposée dans l’espace public.
L’artiste est physiquement menue, mais aime se battre avec la terre ; d’ailleurs elle a été formée par un tailleur de granit ! Le conservateur de la Cité de la céramique à Sèvres précise : « elle aborde tous les aspects de la vitalité de la terre, sa capacité à répondre, de façon imprévisible, aux impulsions du corps qui la bouscule ».
Art contemporain
Certains artistes se sont emparés de la céramique pour révolutionner la pratique de la sculpture : libération du geste, explosion de la couleur grâce aux glaçures1. Confrontés physiquement à la terre, ils ont déjoué les contraintes : fragilité mais résistance aux hautes températures et imperméabilité grâce à l’émaillage ou glaçure. Après l’école de Belgique, les Beaux- Arts à Paris, Clémence van Lunen va en Espagne, s’intéresse à l’Orient, part en résidence en Chine, où elle maitrise les décors en bleu et blanc. De tous ces voyages, elle a ramené différentes productions. Les wicked flowers en 2012 : des fleurs monumentales placées dans leur vase robuste. Des teintes claires, crémeuses, pour la délicatesse, avec seulement quelques glaçures et non entièrement recouvertes. « C’est la forme qui doit prédominer et non la couleur . »
Le musée des Arts décoratifs et du Design ( Madd) a présenté une sélection de ses œuvres jusqu’au 4 novembre 2018. Les œuvres prêtées, ont été disséminées au deuxième étage, dédié à l’activité faïencière de Bordeaux. Des rencontres avec l’artiste, des parcours pédagogiques, des balades urbaines ont sensibilisé le public qui a tendance à fortement critiquer ces nouveautés.
Pierrette Guillot
1 glaçure : la glaçure ou émail est un enduit vitrifiable, posé à la surface d’une céramique afin de la durcir et la rendre imperméable
2 boudin d’argile peut s’affiner sans se casser
Commande Artistique Garonne
Dans sa volonté de construire la métropole européenne à haute qualité de vie, Bordeaux Métropole développe un important programme de commande d’œuvres d’art contemporain. Lancé en 2002 avec la construction du tramway, il prend le fleuve Garonne comme fil directeur. Il y a 30 projets, définis par un comité de pilotage chargé du programme artistique, des choix des lieux, de la nature des interventions et la désignation des artistes. Ce comité est constitué des maires et chargés de la culture, des directeurs de centre d’art contemporain, Centre Pompidou, Carré d’art de Nimes, du conseiller pour les arts plastiques de la Direction des affaires culturelles Nouvelle Aquitaine et d’une curatrice, pour conceptualiser les expositions.
Céramiques de Clémence van Lunen exposées au Musée des Arts décoratifs de Bordeaux, au dernier trimestre 2018. (photos de D. Sherwin-White)