À cheval
Nino Oliveira a écrit : « Pour qui veut être appelé bon cavalier, mains et jambes sont de grande importance. »
En équitation, on parle du tact de la main, des jambes, de l'assiette et de la tête. Un véritable couloir des « aides » partant du chanfrein du cheval pour résonner jusque dans ses pieds. Oui, ses pieds. En effet le cheval est un animal à part. À son propos, on ne parle pas de pattes mais d'antérieurs, de postérieurs et de pieds. Il se décline en trois parties : l'avant-main, le corps et l'arrière-main. Quant au cavalier c'est grâce à des gestes calmes, précis et justes qu'il découvrira le plaisir de partager avec son compagnon des moments uniques.
Des gammes…
Dans les enclos qui jouxtent la maison de Charlotte, paissent un vieux poney des Highlands et cinq chevaux dont trois poulains, déjà grands, nés sur place. De purs produits de la passion et du travail de Charlotte. Aujourd'hui, les enfants de la maison s'initient à la voltige avec Étique, le vieux Highland. Avant de monter, les voltigeurs entourent l'animal, le caressent, le gratouillent, le brossent, l'étrillent et le sanglent. Ensuite les mains se positionnent sur le surfaix de voltige et les apprentis calquent leur trot sur celui du cheval. Un appel des pieds, un léger rebond, la jambe s'élève et hop ! En selle. Moment ludique et sérieux à la fois. L'important c'est le ressenti, les fesses bien au contact du tapis, comme dans le meilleur des fauteuils. « Le dos droit, les épaules descendues, les coudes au corps, les mains ne s'appuient pas sur le cheval. La tête haute. Voilà, parfait, épaules, coudes, hanches et talons alignés, les jambes bien au contact de la monture. » Charlotte est intraitable. Pour elle, faire de l'équitation implique un usage parfait des mains des jambes, de l'assiette, c’est un tout. Avec de l'à peu près, jamais de plaisir. Les petits cavaliers trottent tantôt debout, tantôt à genoux ou à l'envers et finissent par un superbe piquet. De vrais spécialistes. « Demain, dit Charlotte, nous travaillerons avec les rênes, véritable lien entre l'assiette, les épaules et le nez. » Ce ne sont pas les biceps qui bougent mais les doigts qui tour à tour agissent, pianotent, badinent ou rendent sans jamais tirer. La reprise se termine non sans câlins et autres marques de reconnaissance.
Aux accords
Laurent est professeur à l'école d'équitation de la Licorne. Il est venu au cheval tardivement (17 ans). Une histoire d'amour pour une demoiselle. Il ne l'a pas épousée, il a épousé son dada. En quelques mois de travail acharné, le restaurateur en puissance est devenu cavalier. Mais il avait encore un rêve, être instructeur et pour cela entrer au Cadre Noir de Saumur. Un an d'enseignement intensif auprès des plus grands maîtres. Mission accomplie. Après diverses étapes, il inculque aujourd'hui à ses élèves les notions indispensables à la pratique de l'équitation. Les membres du club ont été formés sur place à quelques exceptions près. Parfois un musicien est accepté dans le sérail. Laurent précise : « Devenir un excellent musicien exige les mêmes qualités que devenir un excellent cavalier : précision, sensibilité, toucher. La main qui effleure les cordes de la harpe ne semble ni chercher ni trembler. La main posée sur les rênes doit se faire si légère et discrète qu'on devine à peine ses interventions. » Quant aux pieds du cavalier, rien à voir avec les éperons des cow-boys labourant les flancs de leur monture dans de fantastiques chevauchées. À cheval, le corps entier doit atteindre maîtrise de soi et équilibre. Tout repose sur le principe des « aides » et de leur couloir dont la base est la posture. Les jambes au contact sont là pour donner l'impulsion, sans elles, point de mouvement. Les mains, prolongement des épaules, transmettent et amplifient les demandes. Les doigts fermés sur les rênes, c'est un ordre. Les mains s'abaissent, se desserrent, suivent le mouvement de l'encolure, c'est le merci. La bonne connaissance des codes et le ressenti de l'animal sont l'assurance d'un accord fusionnel cavalier cheval. Qui maîtrise ses gammes accède à l'accord parfait. Dans l'enclos, devant le club-house, les poneys blancs hennissent. Ils attendent la prochaine reprise ou un concours d'attelage, l'autre grande passion du maître des lieux.
Dany Guillon