Sur les traces de...
L'empreinte réactualise une présence passée ou bien donne un sens à l'absence.
Chacun a fait l'expérience de la trace de ses pas sur le sable mouillé d'une plage. Aussitôt créée, elle peut être recouverte et effacée par une vague ou bien marquer un cheminement singulier. Prenez une feuille de papier blanc, des peintures dans des godets, le tout jeune enfant délaissera les pinceaux et autres pochoirs pour tremper ses mains dans la peinture et les imprimer avec un grand plaisir et une satisfaction certaine. Des mains et des pieds, au contact d'une surface vierge ou meuble font surgir des formes.
Pourquoi des mains préhistoriques sur les parois des grottes ? Pourquoi des empreintes de pied moulées sur le parvis d'un ponton d'une station balnéaire ?
Origine
Qu'est-ce qu'une trace ? C'est une empreinte ou une suite d'empreintes sur le sol, ou sur toute surface, indiquant le passage d'un homme, un animal ou un objet. C'est aussi une marque laissée par une action : appuyer, tomber...
Qu'est-ce qu'une empreinte ? C'est une marque pratiquée en creux ou en relief par l'objet que l'on presse sur une surface. C'est une trace naturelle laissée par le contact d'un corps sur une surface.
Chronologiquement, c'est l'empreinte, la marque qui génère la trace.
Trace, empreinte, marque.
À la chasse, ce sont les traces qui révèlent la présence et l'activité des animaux : leur nombre, leur âge, leur sexe, leur direction. En vénerie, après avoir écouté le rapport de ceux qui ont « fait le pied », le maître d'équipage décide du lieu d'attaque, l'empreinte du sanglier se nomme trace.
Sur une scène de crime ou de vol par effraction, lorsqu'elle devient digitale, l'empreinte révèle la présence d'une personne qui se trouvait là et devient un élément à charge dans la procédure. Le moulage des traces des semelles de chaussures sont des indices susceptibles de faire avancer une enquête, la première précaution étant de protéger la scène de toute intrusion pour ne pas altérer les preuves.
« L'inconduite du jeune homme, ses paroles blessantes ont amené la jeune femme à lui asséner une magistrale gifle sur la joue droite. » La marque de la main avec ses cinq doigts bien visibles est apparue progressivement, lecture radicale de la teneur des propos.
Absence/présence
Depuis le Paléolithique, entre 60 000 et 15 000 ans avant J.C., les hommes ont signifié leur présence par des empreintes de mains sur les parois des grottes. Les mains sont réalisées selon des techniques différentes, ce qui donne lieu à la représentation de « mains négatives » et de « mains positives ». Les premières sont réalisées par une couleur déposée autour de la main ou projetée à l'aide d'un tube. La main est plaquée sur la paroi, en la retirant, la forme apparaît en négatif. Les secondes nécessitent un trempage des mains dans de la couleur et leur application sur une surface. Dans les deux cas, ces images témoignent de la réalité du passage des hommes dans ces lieux (grotte de Gargas, grotte Chauvet). Elles nous invitent à rentrer en contact avec eux à partir de l'utilisation d'un signe (la main), aujourd'hui encore support de communication : se serrer la main, dire au revoir de la main, se tenir par la main.
La trace du pas de l'homme sur le sol nous renseigne sur une présence, une possible rencontre, heureuse ou malheureuse, d'un autre qu'on ne voit pas. C'est le début du processus symbolique : une empreinte représente un homme pour un autre homme. Pointure 45, enfoncement important dans la terre, grandes enjambées, peut-être vaut-il mieux éviter cette rencontre ! Piétinements de pas, traces de sabots de cheval, le fugitif presse le rythme devant ses poursuivants dans les westerns.
Plus près de nous, qui n'a pas posé son pied dans l'empreinte des pieds de treize navigateurs dont les moulages* ornent la jetée Thiers à Arcachon ? Se comparer à Tabarly, Lamazou, de Kersauson, évoquer leurs périples, leurs aventures...
Jean-Louis Deysson
*Les moulages des pieds des plus célèbres navigateurs ont été réalisés en 1995 par Jacques Aulonié