Ethique et chic

Acheter des vêtements fabriqués sans polluer et sans gaspiller de ressources, c’est possible à Bordeaux.

Un modèle de robe porte-feuille d'Aatise ( photo Aatise)
Un modèle de robe porte-feuille d'Aatise ( photo Aatise)

 

L’industrie textile a un impact très négatif sur l’environnement. C’est pour cette raison que deux jeunes femmes Heide Baumann et Charlène Perret se sont engagées pour créer une mode éthique et écoresponsable, c’est à dire une mode plus artisanale et respectueuse de l’environnement, transparente sur les textiles utilisés, leur mode de production et leur acheminement. « Fabriquer ce dont nous avons besoin et dans le respect de la nature ». Voilà la philosophie de Heide. 

En créant, à Bordeaux, leur propre entreprise, Aatise et Rinvestfrance1, elles souhaitent promouvoir la transformation des garde-robes, lutter contre la surconsommation et le gaspillage tout en fabriquant des vêtements de qualité, confortables, personnalisés et durables. 

Du sur-mesure 

Heide Baumann est ingénieur textile. Elle a travaillé pendant une trentaine d’années dans l’industrie de l’habillement, aux premières loges pour observer les dérives de la confection : des produits venant d’Asie, des prix tirés vers le bas, des promotions permanentes pour attirer les clients au détriment de la qualité et de l’environnement. En 2017, elle décide de tourner la page. Elle crée Aatise2, s’installe au Campement de Darwin3 et imagine une autre façon de produire : concevoir les vêtements de qualité, produits en France, à la commande et personnalisables. Finis les gaspillages, les placards qui débordent de tenues non portées (70% environ des garde-robes). Finis aussi les stocks et les productions inutiles. Elle dessine des pièces simples, sobres sans accessoire qu‘elle coud dans un atelier à Eysines ou elle les fait fabriquer dans des ateliers de la région (Bordeaux, Pau, Castres...) Mais seulement la commande passée ! 

Les tissus sont choisis de bonne qualité, soyeux et en fonction de leur impact sur l’environnement. Pas de polyester, pas trop de coton dont la production consomme beaucoup d’eau, plutôt du lin cultivé en Europe et filée en Pologne, de la viscose écoresponsable fabriquée à partir de la pulpe de bois provenant d’un fournisseur autrichien certifié UE écolabel... 

Les imprimés sont chatoyants, les modèles proposés sont adaptables à toutes les morphologies comme par exemple la robe portefeuille. En effet, l‘originalité d‘Aatise est de faire participer ses clientes à la conception de leur vêtement. « Pour une robe par exemple, vous allez sur le site, vous choisissez l’imprimé, le coloris, la forme, la longueur et vous recevez au bout de quelques semaines la robe de vos rêves faite pour durer car vous l’aimez. » pour environ 200 à 250 euros. Et Aatise habille aussi les hommes. 

Aventure bouliacaise

Un peu plus tard, en mai 2019, Charlène Perret, 26 ans, passionnée par la mode et la couture, réalise un rêve de petite fille  créer sa propre marque de vêtement.

 Elle obtient un bac pro couture, un BTS de styliste design et un master de commerce international. Son premier emploi sera en Belgique en tant que responsable des ventes en magasin chez KIABI. C’est l’univers de la fast fashion, renouvellement rapide des collections. Bonne expérience pour Charlène mais elle garde son cap, créer son entreprise.

Elle s’installe à Bouliac, près de Bordeaux, en 2019 et l’aventure commence. Oui, une aventure qu’elle mène seule. Elle vend sa voiture pour acheter son matériel. Pour lutter contre le gaspillage, elle récupère des tissus d’ameublement, des rideaux, draps... qu’elle achète bon marché auprès d’Emmaüs, Relais Gironde, des fins de série, des chutes auprès des fabricants. D’où le nom de son entreprise Rinvestfrance. « Ce sont souvent les imprimés qui inspirent l’esprit et l’ambiance d’une collection. Par exemple, avec des tissus à carreaux, j‘ai envie de créer des vêtements vintages. Les séries sont nécessairement limitées, vous avez donc peu de risque de voir votre robe chez la voisine ou dans le tram ! » explique-t-elle.

 

Polyvalente à 3000 %

Ses premières clientes sont ses amies, ses proches mais très vite elle crée son site pour développer les commandes en ligne. Elle présente ses prototypes dans des boutiques éphémères, elle a déjà participé à un défilé dans une école de stylisme. Les prix varient entre 80 et 150 euros pour une robe. « Être très active sur les réseaux sociaux, c’est vital car ma microentreprise reste fragile surtout cette année, avec la crise sanitaire. Je suis polyvalente à 3000% » dit-elle, « styliste, couturière, VRP, webmaster... »

Des projets ? Elle en a : trouver une boutique dans le centre de Bordeaux pour être plus visible, proposer des ateliers, transmettre son savoir-faire., quel plaisir de porter une robe qu’on a fabriqué soi-même, d’apprendre à retoucher ou à transformer un vêtement à son goût.... Pour elle, la retouche ou la réparation sont les premiers actes écoresponsables. 

Les choix professionnels de Charlène et de Heide sont des défis mais elles sont convaincues de montrer le chemin pour un changement durable des habitudes de consommation.  

Marie Depecker

 

1 www.aatise.com et rinvestfrance.com

2 Heide explique : « atise vient d‘un mot du vieux français qui veut dire défi, je l’ai trouvé dans un ancien dictionnaire du Moyen-âge. » 

3 Le campement de Darwin :  pépinière de la ville de Bordeaux qui héberge des entreprises innovantes dans le domaine du développement durable.