Quand le froid et la pluie s’installent, la Halte de nuit est un refuge pour ceux qui n’ont pas de toit.

Un lit confortable pour une nuit et un repas chaud ( photos de M. Depecker)

Il est 19h30, il pleut, il vente sur le boulevard Alfred Daney à Bordeaux, les voitures circulent sans discontinuer, indifférentes à ce qui se passe devant le pôle social de Ravezies : une dizaine de personnes, sans doute sans domicile sont là assises, silencieuses. Elles semblent résignées, elles attendent l’ouverture de la Halte de nuit à 20 h.

Un lieu parfaitement clean

Gabrielle, la responsable reçoit L’Observatoire avant la réception des personnes pour une visite du centre: un bâtiment tout neuf, tout blanc, seul le jaune des murs ensoleille les lieux. Inauguré en novembre 2017, construit par Domofrance et financé par la ville de Bordeaux, la Métropole et l’État, le pôle social est géré par trois associations : Halte 33, le Diaconat et les Restos du cœur.

La halte de nuit est composée d’un dortoir collectif et mixte de 30 box avec un espace plus intime pour loger un couple. Promiscuité certes mais préservation d’un peu d’intimité. Des sanitaires impeccables pour hommes et pour femmes, une bagagerie et des casiers fermés à clef pour les objets plus personnels complètent l’équipement. Ayant perdu l’habitude de dormir sur un lit, certains préfèrent la salle de repos aux 5 fauteuils-lit, à côté du dortoir.

La deuxième partie du centre est partagée avec les Restos du cœur ; une cuisine, une grande salle à manger et un local pour les réserves alimentaires. La halte de nuit fournit le diner, les Restos le petit déjeuner et l’accueil de jour. Chaque soir, les personnes accueillies ont au menu un plat chaud, du fromage, un yaourt, un dessert et des boissons chaudes. Ratatouille et terrine de poisson pour ce soir-là. Thomas et une jeune fille bénévole sont aux commandes, ils ne cuisinent pas vraiment mais réchauffent des plats préparés, achetés par l’association ou fournis par la Banque alimentaire.

Accueil inconditionnel

Progressivement la halte se remplit : des femmes, des hommes de tout âge, seuls ou parfois en couple, sans enfants (les familles sont reçues ailleurs) certains sont orientés par des services sociaux, d’autres par le 115, numéro d’appel d’urgence ou par le Samu social. Une seule condition pour être accepté dans la limite des 35 places : être un adulte sans enfant. À côté de chaque lit, un anneau pour attacher un chien. Les SDF sont acceptés ici avec leur compagnon. Quelques personnes passent seulement pour manger, se réchauffer, voir un pot, prendre une douche.

Le lendemain, à 8h, tout le monde aura quitté la halte mais pas sans rien.

Quand ils viennent pour la première fois, ils ont un long entretien avec les responsables. Très à l’écoute, ils leur donnent des informations pour qu’ils puissent s’orienter et trouver un début de solution à leur errance (asile, aide financière, assistance sociale, logement provisoire…) parfois, il est même décidé de les garder quelques nuits ou exceptionnellement un mois.

Ambiance électrique

À leur arrivée, les trois animateurs sont reçus par Gabrielle. C. ne pourra pas dormir au centre ce soir car la direction a décidé de l’exclure du fait de son comportement inacceptable. Il va falloir faire face à sa colère, ses menaces éventuelles. Une équipe de policiers, spécialisée dans la médiation, est appelée mais finalement repart sans avoir besoin d’intervenir. L’animateur a dû passer un très long moment à discuter, expliquer, justifier la décision et encourager C. à chercher un autre endroit pour dormir. Les allées et venues sont permanentes, pour aller diner, fumer dehors. Des demandes particulières, des petits accrochages avec les animateurs, avec ceux qui ne respectent pas le règlement créent une ambiance toujours un peu tendue.

Mais tout finit pas s’arranger, les animateurs gardent leur calme, ils semblent bien connaitre leur public. Ils seront là toute la nuit pour répondre aux demandes tardives, angoisses, insomnies, assurer la sécurité… avec une pause de 2 h à tour de rôle.

La Gironde compte environ 1 000 places d’hébergement d’urgence. Est-ce suffisant pour respecter la promesse du Président de la République «  personne ne dormira dehors cette année » ? Peut-être mais il est urgent de trouver des solutions de logement durables.

Marie Depecker