Questions pour un barjo
À Bordeaux existent plusieurs bars/salles de jeux de société, fréquentés par un public aimant trinquer, cartes, dés ou pions en main. Interview du gérant de l’un d’entre eux, le Jeux Barjo.
Au cœur de Bordeaux, non loin de la Grosse Cloche, une enseigne à devanture cartoon, indiquant JEUX BARJO, intrigue. L’Observatoire a mis sur le grill le responsable du lieu, Jean-Charles Ravasset.
Peu avant l’ouverture, ce svelte quarantenaire au cheveu rare reçoit dans son bar où l’on pratique des jeux de société autour d’un verre. Une gigantesque carte des boissons est affichée, et plusieurs hautes étagères adossées au mur sont remplies de boîtes classées par catégories, seul, à 2, à 4 ou plus, rapidité, déduction, stratégie... : c’est la ludothèque.
— L’Observatoire : Comment vous est venue l’idée de créer un tel établissement à Bordeaux ?
— Jean-Charles Ravasset : Je suis passionné de jeux depuis tout gosse, et dans le cadre d’une reconversion professionnelle, pour faire métier de cette passion, j’ai monté un premier établissement de ce type en 2007 à Évreux, avec un camarade d’enfance. En 2010 j’ai repris ici-même le ZeZem, ancêtre du Jeux Barjo, puis j’ai ouvert la boutique du même nom pas très loin d’ici.
— Comment ça se passe quand on est attablé au Jeux Barjo ?
— Hé bien, on commande une boisson puis on choisit un jeu dans les étagères, et c’est parti pour un moment ludique seul, à 4 ou même à 10. Nos animateurs conseillent, expliquent les règles et interviennent quand ils sont sollicités. Un forfait de 3 € par personne permet l’accès illimité à la ludothèque pendant deux heures, et c’est 1 € par heure supplémentaire.
— Quel est votre public et que vient-il chercher chez vous ?
— Le public est très varié, et en exagérant un peu, je dirai qu’il va de 2 à 122 ans. Nos clients sont à la recherche de moments de convivialité sortant des sentiers battus. Joueurs acharnés, occasionnels ou simples curieux, ils trouvent ici une ambiance sympathique et un immense choix de jeux en tous genres. Une bonne part de nos « barjoteurs » sont de jeunes actifs, mais ça va en fait du jeune enfant au retraité. Nous avons la licence IV, les mineurs ne rentrent donc ici qu’accompagnés, ce qui fournit l’occasion d’une sortie en famille originale. J’ajoute que nous comptons environ 20 % de fidèles fréquentant le Jeux Barjo au moins une fois par semaine.
— Question fréquentation justement, quels sont les moments d’affluence ?
— Nous faisons souvent le plein les soirs et, bien sûr, le week-end et durant les vacances scolaires. Nous fonctionnons beaucoup par réservations. Nos soirées spéciales sur inscription préalable, avec des jeux regroupant 10 à 25 personnes, ont beaucoup de succès. Le mardi, c’est soirée Loup-Garou, jeu de rôle simple et drôle où on doit démasquer les gens qui possèdent certaines cartes. Le vendredi, c’est tournoi Magic, un classique très apprécié et en perpétuelle évolution.
— La crise sanitaire a-t-elle impacté votre activité ?
— La fermeture des établissements culturels et de loisirs a incité à une redécouverte de la pratique des jeux chez soi, en famille et entre amis, un plaisir parfois oublié, avec un potentiel d’achat à la clé. Mais l’absence de visibilité pendant huit mois de fermeture du bar et de la boutique nous a bien sûr été dommageable économiquement. Le click & collect, pratiqué au magasin, a limité les dégâts mais les gens ont surtout acheté directement sur internet.
— Quels jeux rencontrent le plus de succès ici ?
— Pour les nouveaux venus, le choix a tendance à se porter en premier sur des classiques, type Monopoly, Risk, Cluedo …, pas forcément adaptés à notre concept. Nous proposons de faire découvrir d’autres jeux aux clients, parmi nos 2 000 références, et ils suivent volontiers nos conseils. Les contraintes sont la durée des parties, qui ne doit pas être trop longue et la compréhension des règles qui doivent être accessibles rapidement. Les jeux coopératifs où on ne joue pas contre des adversaires, mais ensemble, à réaliser des challenges, comme The Game ou The Mind, ont beaucoup de succès. Code Names, inspiré du jeu télé Pyramide, où on doit faire deviner des mots à l’aide d’indices, marche bien aussi. La catégorie qu’on appelle « pipi-caca » est assez populaire également ; ce sont des jeux irrévérencieux et décalés, comme Blanc-Manger Coco par exemple.
— Comment faites-vous pour vous informer sur les nouveaux jeux qui sortent ?
— Il faut savoir qu’il y a environ 3 000 nouveautés par an ! On n’en sélectionne qu’une centaine à proposer à nos clients, au bar et à la boutique. Pour les tester et faire le tri, ils sont présentés au grand-public et aux professionnels lors de salons annuels. L’incontournable est celui de Cannes, en février, où je me rends avec une partie de mon équipe. On assiste à des démonstrations des gros éditeurs et on rencontre également des concepteurs indépendants qui s’autoéditent. Je vais aussi parfois à d’autres conventions comme celle de Vichy, ou à Paris est ludique, début juillet.
— Combien de personnes sont employées au Jeux Barjo ?
— Mon équipe est composée de deux animateurs, deux barmen, et trois personnes travaillent à la boutique. J’emploie avant tout des passionnés du jeu qui ont une grande connaissance dans ce domaine et qui savent interagir avec la clientèle, avec des qualités de « physionomistes », si on peut dire, c’est-à-dire capables d’évaluer rapidement ce qui conviendrait à des joueurs au bar ou à des acheteurs potentiels au magasin. Les deux entités sont complémentaires, le bar étant une devanture d’essai avec une fonction de prescription d’achat en boutique, pour les gens qui veulent jouer à la maison aux jeux qu’ils ont aimé découvrir ici.
— Des projets d’extension ?
— Un magasin Jeux Barjo existe à Libourne depuis peu mais je ne m’en occupe pas. C’est un ancien employé d’ici qui l’a monté, et je l’ai autorisé à utiliser le nom commercial. Une extension ? Pourquoi pas. Récemment, j’ai eu le projet d’acheter une librairie/jeux qui venait de fermer, mais ça n’a pas abouti. Pour l’instant, je suis plutôt à la recherche d’une extension… capillaire (il sourit en montrant son crâne dégarni).
Le barman commence à installer tables et chaises en terrasse. Il est temps de prendre congé pour laisser place aux premiers clients du jour venant étancher leur soif… de jeu.
Hervé Bry
Jeux Barjo Le bar,12 rue Saint-James Bordeaux
Jeux Barjo La Boutique, 26 rue des Ayres Bordeaux
BELOTE, REBELOTE ET BOCK DE BIERE
Pour pratiquer les jeux de société jusqu’à satiété,
il existe à Bordeaux et dans ses environs d’autres
« ludo-bars » où l’on peut se retrouver en famille
ou entre amis pour siroter et taroter, voire bouloter
et beloter. À tester sans modération :
- Lila and the Barber, 14 rue Saint-Cernin
- La Muse Café, 10 rue Brascassat
- Le Doriajo, 370, cours de la Somme
- r4ndom, 5 place Louis Barthou (axé jeux vidéo)
- La Triche, 2 route de Pessac, Gradignan
- Le Dé Caféiné, 9 avenue Georges Lasserre, Talence
- Le Shifumi, 341 avenue Vulcain, La Teste de Buch
Bonne pioche !