Étranges coupeurs de têtes

Tronçonneuse au travail (Photo R.Peuron)
Tronçonneuse au travail (Photo R.Peuron)

Élagueur ? Un métier difficile, exposé en permanence à de graves dangers. Marc, cinquante-deux ans, treize années d’expérience, est associé depuis deux ans avec Éric, un junior de vingt-quatre ans.

 

Marc et Éric témoignent de leur passion commune : « C’est en septembre, octobre que nous sommes le plus sollicités. Les arbres, parés des couleurs chaudes de l’automne deviennent peu à peu chauves et, en tant que bons coiffeurs, il est nécessaire de leur faire une bonne coupe pour qu’ils se régénèrent au printemps, déclare Éric, en souriant. Nous intervenons dans la zone du bassin d’Arcachon, aussi bien pour les communes que chez des particuliers. » Ils vont élaguer deux chênes dans la villa voisine. Marc mesure 1 m 45 ; il grimpe comme un véritable ouistiti. Le voilà propulsé en quelques secondes à la cime, à 13 m, avec tout son attirail ! En bas, Éric surveille chaque  mouvement car la moindre erreur peut être fatale.

Comment devient-on élagueur ? « Il faut suivre une formation forestière, au minimum un BEPA, suivi d’un stage spécialisé de six mois. Mais le métier s’apprend sur le tas ! » s’exclame le jeune arboriste qui, lui, mesure deux mètres.

 

De bonnes aptitudes physiques

Il faut être capable de grimper aux arbres, même les plus hauts, supporter le poids des outils, la tronçonneuse, avoir un entraînement constant avec les intempéries, être souple, vigilant, avoir une bonne acuité visuelle ; il ne s’agit pas d’avoir le vertige ni d’être allergique aux insectes. Donc ne pas oublier le tube de crème ! « Lorsqu’il pleut, nous montons avec les crampons pour ne pas glisser le long du tronc. Pour éviter les dangers : porter un casque et être revêtu d’un pantalon anti-coupures. Il faut toujours évaluer les risques, précise Éric. Si les manilles des mousquetons sont mal attachées aux branches, on peut se couper un bras ou une jambe. Récemment, un de nos collègues s’est sectionné le bras. Il s’est vidé de son sang et n’a pu redescendre. Lorsque l’élagueur coupe un acacia, si la taille est mal faite, l’arbre s’ouvre en deux et il est étouffé, accroché à la corde. Être attentif aux branches qui s’emmêlent dans les cordages, ne pas les tailler quand on est assis dessus, ni la corde qui nous retient. Le vent est à déconseiller ! »

 

 

Ne pas avoir le vertige (Photo D.Sherwin-White)
Ne pas avoir le vertige (Photo D.Sherwin-White)

Les risques du métier

« C’est l’environnement de l’arbre qui compte : les fils électriques, le téléphone, le dallage ; s’il y a une piscine, un bâtiment ou un passage de véhicules, il est nécessaire d’attacher les branches avec une corde. Lorsqu’un arbre est tombé sur une maison après la tempête, nous avons eu besoin de camions nacelles, mais dans ce cas, il faut appeler l’assurance et ne pas intervenir sans l’accord de l’expert. Il est interdit d’abattre les pins sans autorisation de la mairie.

Compter une heure pour abattre un arbre moyen, quatre heures pour un arbre adulte et une journée pour l’évacuation avec un broyeur. Nous avons deux types de taille : la taille douce pour garder la mise en forme de l’arbre et la taille sévère qui ne s’occupe pas de la respecter. Si l’élagage ne se fait pas pendant la bonne saison, l’arbre est foutu ! Il est fortement conseillé d’avoir une bonne assurance pour les dommages. L’arbre est un être vivant, sacré dans certains pays, nous devons le respecter. Il faut vérifier chaque arbre pour savoir s’il n’est pas pourri. » Les plus grands ennemis ? Le capricorne qui pénètre à l’intérieur et trace des galeries ; l’araignée rouge qui mange la sève du pin : les aiguilles deviennent marron. »

 

Un métier de passion

« Aimer être indépendant. Nous sommes les ours de la forêt, nous vivons au cœur de la nature ! Et nous mettons notre tâche au service d’autrui, mais ce que je préfère, déclare Marc avec son sourire désarmant, c'est la montée d'adrénaline à plus de vingt-cinq mètres ; pas question d’avoir le vertige, renchérit Éric. C’est un métier d’autonomie. » À la question : « Quand allez vous vous arrêter ? », Marc explose de rire : « Je m’arrêterai lorsque je serai mort ! Mon professeur, à 76 ans, est gérant et consultant. » Éric lui, a tout l’avenir devant lui. Plus tard, il va monter sa micro-entreprise.

 

Élisabeth Cadilhon