Femmes de pouvoirs
Pour Ésope, la langue est la meilleure et la pire des choses, il en va de même pour les pouvoirs. Alors, à chacun son truc.
Médecines douces, médecines parallèles, médecines empiriques nées de l'expérience, filles du savoir-faire et de découvertes ancestrales transmises de génération en génération. Sagesse? Foi? Altruisme? Fantaisie? Bien difficile de dire ce qui guide celles dont les mains guérissent. L'Observatoire a rencontré deux de ces femmes aux pouvoirs si étranges qu'ils emportent même parfois l'adhésion des plus cartésiens. Ouvertes, généreuses, prêtes à offrir aux autres les bienfaits de leurs dons, elles étonnent, elles effraient. Qui sont-elles?
Dany
L'Observatoire est d'abord parti à la rencontre de Dany dans son jardin fleuri, en lisière de la forêt, parmi les poules, les oies, les moutons et les chiens. Sans aucune réticence elle a accepté de partager ses expériences. Son père avait le pouvoir de guérir les verrues, même à distance. Elle est née avec le cordon autour du cou. Un seul tour, cependant, aussitôt la famille a su qu'elle aurait un don. Mais lequel ? « À cinq ans, à la ferme de mes parents, mon petit chien se casse la patte. Mon père lui fabrique en hâte une attelle. En pleurs, je m'accroupis à côté de lui et commence à le masser. L'animal jappe de reconnaissance. Au bout de quelques jours il marche avec entrain. Miracle ? Non. Les pouvoirs se sont concrétisés. Des années plus tard, Pompon, mon beau cheval blanc rentre à l'écurie en boitant. Il s'est blessé au postérieur droit. Condamné ? Des heures et des heures, je reste auprès de lui, tantôt approchant seulement mes mains du membre douloureux, tantôt le massant. Au bout d'une année de dévouement et d'amour, il galope à nouveau dans les champs. » Si Dany ne pratique vraiment aucune religion, elle est cependant croyante et persuadée que : « Là-haut, on nous aide et notre vie est tracée par les esprits. Pour ma part, ajoute-t-elle, une fée s'est penchée sur mon berceau et m'a donné ces pouvoirs. Un don qu'on ne peut partager est sans intérêt. Aussi, mon bonheur c'est d'apporter quelque chose aux autres afin de participer à leur mieux-être. Chez elle, vous trouverez celui qu'une entorse empêche de rentrer son foin quand l'orage arrive ou le malheureux chercheur de cèpes qui voit poindre l'automne alors qu'une épine calcanéenne lui interdit le moindre pas. Ou le jardinier qu'une douleur lombaire oblige à abandonner sa bêche. Et tant d'autres que Dany manipule et masse jusqu'à en avoir des picotements et même des douleurs dans le bras. Mais qu'importe, si au bout de quelques séances, ils reviennent vers leurs occupations ou leurs plaisirs. Avant de nous quitter, Dany ajoute : « J'ai deux regrets, mes enfants n'ont pas le don et par contre tant de gens, autour de nous, ont des pouvoirs qu'ils n'utilisent pas.
Georgette
Un petit village à la limite du Lot-et-Garonne. Vous sonnez au portail, un petit épagneul s'approche en frétillant, une silhouette s'inscrit sous l'auvent et vous entendez : « Venez, venez ! » Vous êtes chez Georgette. « Asseyez-vous, vous savez, je peux tout vous raconter, il y a si longtemps que j'aide les gens, j'en ai vu tellement. Même FR3 est venu me filmer. Je suis née ici. Mes parents tenaient l'auberge du village et nous l'avons reprise jusqu'à la retraite. Ma grand- tante vivait à la maison, à 85 ans elle m'a enseigné son secret. Elle soignait les zonas. Moi, j'étais née coiffée avec un double cordon autour du cou, je serai donc celle qui perpétuerait les gestes. Après l'avoir accompagnée et observée, à onze ans j'ai pour la première fois guéri le feu d'un zona. Je ne touche pas les gens, je promène doucement ma main au-dessus du mal en récitant une prière absolument personnelle. Au bout de deux ou trois séances, la brûlure est partie. Vous savez, je vois des malades de partout, même de Bordeaux. Il n'est pas rare que certains soient envoyés par les médecins ou les pharmaciens des villages voisins. Au printemps et en automne, je soigne parfois trois ou quatre personnes par jour, le soir je suis éreintée. Mais j'ai tant de plaisir à les voir repartir apaisés et souriants. Je sais que je ne guéris pas tout, je me contente de ce pouvoir de calmer le feu qui me permet parfois d'atténuer les souffrances infligées par les radiothérapies. » Dommage, son petit-fils né avec le cordon ne veut pas utiliser son pouvoir.
Il existe bien sûr d'autres femmes de pouvoir. Sont-elles génératrices de médecines douces Sont-elles fées ? Sont-elles sorcières ? Allez savoir ! Les voix du pouvoir sont impénétrables.
Dany Guillon