Réalité ou fantasme ?

Cette expression, le Péril jaune, a été employée la première fois à la fin du XIX^e  siècle par l’empereur d’Allemagne Guillaume II, qui essayait de fédérer les États occidentaux ayant des colonies en Asie. Il voulait intervenir dans le jeu européen en exploitant cette menace, factice à l’époque.

Le péril japonais

En 1905, cette menace prend corps avec l’agression japonaise contre la Russie. Pour la première fois une puissance occidentale moderne est dominée par une nation asiatique. La Russie évacue la Mandchourie chinoise et reconnaît l’influence du Japon sur la Corée. Le Péril jaune signifie alors Péril japonais.

En prétextant de la supériorité de la race nippone, le Japon veut imposer sa domination sur une grande partie de l’Asie, au sein d’une « sphère de coprospérité ». En 1895, c’est l’annexion de Taïwan, suite à la guerre sino-japonaise de 1894-1895. En 1910, celle de la Corée. En 1933, la Mandchourie chinoise est occupée.

Le 7 décembre 1941, le Japon attaque la base américaine de Pearl Harbour dans les îles Hawaï. Une grande partie de la flotte du Pacifique est détruite, laissant ainsi libre cours à la volonté expansionniste de l’Empire du Soleil levant. Il se rattache l’Indochine française, la Malaisie britannique, les Philippines dominées par les Américains.

L’agression surprise de Pearl Harbor incite les États-Unis à entrer en guerre contre les forces de l’Axe[1]. Après la victoire en Europe des alliés, ils contraignent le Japon à capituler en utilisant par deux fois l’arme atomique en août 1945. Vaincu, celui-ci abandonne toutes ses conquêtes.

La guerre économique

Si l’on exclut la guerre d’Indochine menée contre la France par un peuple colonisé, la guerre de Corée et celle du Vietnam, qui voyaient la confrontation entre l’URSS et les États-Unis, par peuples asiatiques interposés, force est de constater que l’Asie a surtout livré à l’Occident des combats économiques. Le processus est identique, quelque soit le pays : longue période de copiage, mise sur le marché pour l’exportation de produits souvent médiocres mais peu coûteux puis hausse de la qualité. Cette concurrence a été tout compte fait plutôt bénéfique pour les consommateurs européens, malgré dans certains secteurs des incidences catastrophiques sur l’emploi.

Concernant la construction navale, la Corée, la Chine et le Japon se partagent aujourd’hui environ 90 % du marché mondial. Il a fallu une trentaine d’années pour arriver à cette situation, qui a entraîné la disparition de nombreux chantiers en Europe et en particulier en France.

Les voitures japonaises, puis coréennes et maintenant chinoises, n’ont rien à envier à celles fabriquées par les constructeurs européens. Le plus gros constructeur automobile mondial est actuellement Toyota. Nos foyers ont été progressivement envahis par des téléviseurs, des ordinateurs, des téléphones portables fabriqués ou assemblés en Asie, avec à la clé la disparition de nombreuses sociétés d’électronique.

Dans le textile et l’habillement, la moitié des entreprises et des emplois ont disparu en France entre 1996 et 2006, du fait des importations chinoises. Mais ce secteur a connu de grandes difficultés bien avant 1996, quand les industriels ont choisi de délocaliser, à partir des années 1970, une partie de leur production au Maghreb.

En 1973, Alain Peyrefitte publie Quand la Chine s'éveillera. Ce titre est emprunté à une prophétie qu'aurait faite Napoléon à Sainte-Hélène: « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera. »

Aujourd'hui, avec un taux de croissance qui frôle les deux chiffres, la Chine s'est éveillée, et plus généralement l’Asie, mais le monde a-t-il véritablement tremblé pour autant ? Qu’en sera-t-il demain, alors que la Chine est devenue le premier créancier des Etats-Unis ? S’adressant le 29 avril 2009 à l’agence de presse Chine nouvelle, Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, déclarait à propos de la crise mondiale : «  Je crois que c'est une occasion pour la Chine de jouer un rôle plus important… Un rôle chinois plus présent bénéficiera à tout le monde. »

Un peu de démographie

La Chine compte aujourd’hui plus de 1,3 milliards d’habitants, le Japon 127 millions, La Corée du Sud 49 millions. Dans tous ces pays la fécondité a fortement baissé. La natalité du Japon est une des plus faibles du monde. Depuis 2005, la population commence à diminuer.

Roger Peuron