Une vie d'enseignant
L'école existait bien sur le papier, mais aucune construction.
Né le 1er septembre 1917, Raymond Forh est à quelques mois de ses cent ans quand il reçoit L’Obervatoire pour évoquer certains moments forts de sa longue vie et en particulier son métier d’instituteur. S’il a quelques difficultés pour se déplacer, son esprit est toujours alerte et sa mémoire vive.
Le choix de l’enseignement
« Je suis entré en 1930 à l’École primaire supérieure de Bordeaux1 (EPS) qui prépare alors en trois ans au brevet élémentaire, puis en trois années de plus au brevet supérieur. Cet examen terminal est également celui qui marque la fin des études dans les Écoles normales primaires.». Il côtoie à l’EPS plusieurs Bordelais qu’il retrouvera plus tard à des postes de responsabilité, comme Robert Manciet, secrétaire général de la ville. En 1936, Il débute sa carrière d’enseignant.
Mais la seconde guerre mondiale éclate le 3 septembre 1939. « Je suis mobilisé dans le Service de l’intendance. En mai 1940, je suis admis comme élève aspirant à l’École militaire d’administration (EMA) des officiers à Bouguenais, en Loire-Inférieure2. Devant l’avance les troupes allemandes toute la promotion fuit dans des camions abandonnés par la Royal Air Force et “empruntés” sans vergogne. Cap au sud, je me retrouve à Oloron-Sainte-Marie où je suis démobilisé et je regagne Bordeaux le 12 août 1940. »
Après quelques péripéties il retrouve un poste à Ambarès en 1942, il y restera 10 ans. « En parallèle à mon enseignement en primaire, je crée le Centre intercommunal d’enseignement post scolaire agricole. »
Puis, ce sont six années dans une école à proximité de Saint-André de Cubzac.
De 1958 à 1962 il enseigne à Bordeaux dans des classes d’application pour les élèves en formation à l’École normale.
Au Grand Parc
Conscient de son expérience et ne se plaisant guère dans sa dernière école, il demande et obtient en 1962 un poste de directeur pour une école primaire de garçons, au sein d’un groupe scolaire devant comporter également une école de filles et une maternelle, à la cité du Grand Parc.
« Quelques semaines avant la rentrée je me rends sur place, mais point de classes. L’école existe bien sur le papier, mais aucune construction. Je prends contact avec l’Académie et avec l’adjoint au maire chargé de l’enseignement et surtout avec mon camarade de l’EPS, Robert Manciet. Un premier préfabriqué est installé sur un terrain vague non pourvu de réseaux. C’est donc dans un local sans chauffage et éclairé par une lampe à pétrole que je recueille les premières inscriptions. »
Le jour de la rentrée, le 24 septembre 1962, sept préfabriqués attendent 304 élèves. « J’ai dû batailler ferme avec les services de la mairie pour que les classes soient éclairée et chauffées et que les fournitures soient complètes. Hélas, tout n’est pas aussi clair pour les maîtres. Je n’ai auprès de moi que trois enseignants. Aussi, je dois me résoudre à confier la surveillance de trois classes à des dames de service. À l’Académie on décide d’y affecter trois instituteurs rapatriés d’Algérie. Si bien que l’effectif ne sera complet que le 9 novembre. »
En parallèle, la construction en dur de l’école a débuté. En 1965, les préfabriqués sont abandonnés pour ces nouvelles classes qui seront bientôt 18 pour 500 élèves.
Dès 1963 les trois écoles du groupe organisent une kermesse scolaire, c’est la première fête qui a lieu dans la Cité.
À l’ouverture de la piscine il fait en sorte que tous les élèves apprennent à nager, ce qui était rare à l’époque. Tous les élèves fréquentent la bibliothèque qui vient d’ouvrir.
Les familles ayant tendance à demeurer sur place, le taux de renouvellement de jeunes enfants est faible, si bien que son effectif diminue dès la mi-1970, et quelques années plus tard ce premier groupe deviendra le lycée Condorcet.
Accompagné de son épouse Jacques Chaban-Delmas préside la manifestation de départ à la retraite de Raymond Forh, en 1975, signifiant ainsi l’estime qu’il porte à l’enseignant qui tout comme lui avait fait le maximum pour que les habitants de la Cité du Grand Parc s’y trouvent bien.
Roger Peuron
1 L’enseignement primaire supérieur est un ordre d’enseignement qui a existé en France entre 1833 et 1941
2 Devenue Loire-Atlantique en 1957