Les séries policières défilent sur nos écrans. Sont-elles vraiment le reflet de la réalité ? La question vaut d’être posée à un commissaire.

Par Bernard Diot

Pour diagnostiquer les différences entre la réalité de terrain policière et son illustration télévisuelle, nous avons interrogé un commissaire de police. Le haut fonctionnaire a accepté de visionner un épisode de trois séries : Crime Parfait (France 3), Cassandre (France 3) et Capitaine Marleau (France 2). Il nous livre quelques conclusions.

— L'Observatoire : Quelles sont vos premières impressions générales sur ces trois séries ?

— Le commissaire de police : Sur les trois, Cassandre est la plus proche de la réalité : certaines auditions sont mises en scène au sein du service de la police judiciaire. Il y a même la caméra qui filme l'audition (obligatoire en matière criminelle). Mais, dans la réalité nous nous heurtons à des dysfonctionnements du matériel : le logiciel qui ne marche pas et le CD qui n'enregistre pas. Quant au parquet, il n'est pas encore passé à la clé USB ou au Cloud.

Dans les épisodes de Cassandre et de Crime Parfait, les policiers enquêtent à la campagne. Or, celle-ci se trouve en zone de compétence de la gendarmerie. Ces enquêteurs ne sont donc pas habilités à y mener les investigations.

Je note que, dans les épisodes que j'ai visionnés, celui du Capitaine Marleau est le seul où l'on voit l'identité judiciaire intervenir sur la scène de crime.

— Quid du rôle du procureur ?

— Il est un peu plus présent dans Cassandre sans occuper pour autant le rôle qu'il tient dans la vraie vie : celui de directeur d'enquête. Il autorise les actes d'enquête (perquisition). Il y a obligation pour les enquêteurs de le consulter, de l'aviser dès lors qu'ils ont connaissance d'un crime ou d'un délit ou s'il y a une interpellation.

Toujours dans Cassandre, le procureur dit, à la suite d’une agression, " je parlerai au juge ". Mais dans le monde réel, c’est lui qui décide de l'opportunité des poursuites. S'il estime qu'il n'a pas le choix, alors c'est encore lui qui présente ses réquisitions au juge pour demander une peine ou pas. Par ailleurs, l'auto-saisine d'un crime par des policiers est impossible sans l'aval du procureur (Crime parfait).

— Que dire des policiers dans les séries ?

— Dans les épisodes visionnés, je vois qu’ils ne prennent jamais de notes. Comment est-il possible de se souvenir des déclarations des témoins, des mis en cause ? Aucun acte de procédure n'est rédigé, ce qui rend impossible l'incarcération d'un prévenu. Les droits de prévenir un tiers, un avocat, un médecin et le droit au silence ne sont jamais mentionnés.

Dans la vie d’un policier, une heure d'enquête comme dans les séries induit en moyenne neuf heures de rédaction des divers actes qui jalonnent une investigation (mise sous scellés, réquisition etc.).

Dans Cassandre, la commissaire conduit une enquête criminelle sur le terrain. Dans la réalité, un commissaire supervise, même si, occasionnellement, il peut donner un coup de main. Il ne mène pas concrètement l'enquête dans tous ses actes.

De même, l'héroïne, – puisque, dans ces trois séries, il ne s’agit que d’héroïnes – intervient seule pour une interpellation, pour sauver quelqu'un, etc.  C’est totalement prohibé : un policier ne se déplace et n'intervient jamais seul.

Dans ces séries, les témoins et suspects sont auditionnés régulièrement chez eux ou sur leur lieu de travail. Or, les seules fois où l'on peut entendre quelqu'un en dehors du service c'est en cas d'hospitalisation ou s’il s’agit de victimes de violences infra-familiales.

— Avez-vous d'autres commentaires à faire ?

— Le lieutenant utilise sa voiture personnelle ce qui est interdit (Crime Parfait). Dans Cassandre, la commissaire est au volant alors qu’elle n'a pas à conduire lorsqu'elle est en binôme.

Les rapports d'autopsie arrivent pratiquement en même temps que les cadavres. Alors qu'il faut compter plutôt deux jours dans le meilleur des cas.

Lors d'une audition, pas de prise d'empreinte ni d'ADN. Dans un autre cas de figure, la découverte de drogue ne semble pas émouvoir les policiers, alors que cela doit déclencher une perquisition en règle, étude des comptes etc.

Capitaine Marleau est un aimable vaudeville qui ne met pas la gendarmerie en valeur.

Clap de fin, le commissaire retourne à ses dossiers et nous allons au cinéma, voir un policier avec un peu plus de distance dans le regard…

Bernard Diot