Sauver des enfants

Depuis 2006, 27 enfants enlevés, souvent par un proche, ont été localisés et sauvés grâce à la vigilance de citoyens ordinaire dans le cadre du dispositif national alerte enlèvement.

 

Par Roger Peuron

 

Une musique inquiétante attire l’attention, elle annonce un message sonore « Un enfant a été enlevé. Ceci est une alerte-enlèvement du ministère de la Justice. N’agissez pas seul. Si, et seulement si, vous disposez d’informations permettant de le retrouver, composer le numéro de téléphone qui s’affiche sur votre écran. Votre mobilisation est essentielle, la survie d’un enfant en dépend. » Cette annonce accompagne une photo et la description de l’enfant enlevé, ainsi que le signalement de la personne impliquée et les moyens pour joindre les autorités.

 

Des critères rigoureux

Cette alerte, adaptée au type de support, est diffusée sur toutes les radios et télévisions, sur les panneaux autoroutiers, dans les gares et les transports en commun, dans les aéroports, etc.

Le message est diffusé durant trois heures à compter du déclenchement de l'opération. Au bout de ce temps, la diffusion des messages n'est plus obligatoire, elle relève alors d'un choix rédactionnel.

Les diffuseurs sont aussi tenus de diffuser un message signalant la découverte éventuelle de l'enfant avant le terme des trois heures.

L’alerte-enlèvement est décidée par le procureur de la République, après concertation avec les enquêteurs et après information du ministère de la Justice. L’accord des responsables légaux de la victime est nécessaire. Elle est lancée soit par la police judiciaire, soit par la gendarmerie nationale, soit, encore, par la préfecture de police qui envoie le message d'alerte aux différents médias et espaces publics.

Elle doit répondre à quatre critères simultanés :

- l'enlèvement doit être avéré (les fugues ou disparitions sont écartées) ;

- l'intégrité physique ou la vie de la victime est en danger ;

- des éléments d'informations permettent de localiser l'enfant ou le suspect ;

- la victime est mineure.

 

Un seul échec

Ce dispositif a vu le jour en 2006, sur le modèle utilisé aux États-Unis et au Canada. Mis en œuvre 28 fois, il a été couronné 27 fois par un succès.

Une seule fois, hélas, depuis le lancement du dispositif en France, l'enfant enlevé a été retrouvé mort. Le 8 février 2020 à 23 heures, l’opération est déclenchée après l’enlèvement, la veille, vers 17 h 30, de Vanille, âgée d’un an, par sa mère Nathalie, 40 ans. Celle-ci est arrêtée dans un hôtel le 9 février. Quelques heures plus tard, la fillette est retrouvée morte, dans une benne à vêtements, et sa mère reconnaît l'avoir tuée. Jugée en février 2023, elle est condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité par la Cour d’assises du Maine-et-Loire. La Cour considérant son « action mue par une volonté froide et préméditée », l’a en effet condamnée à la peine maximale assortie « d’une période de sûreté de 22 ans ».

Un cas, largement médiatisé, qui a ému et choqué, n’a pas fait l’objet d’une alerte-enlèvement, ce que certains ont regretté. Il s’agit de la disparition de la petite Maëlys de Araujo, 8 ans et demi, le dimanche 27 août 2017, vers 3 heures du matin, lors d'un mariage dans la commune du Pont-de-Beauvoisin (Isère). Lors des premières constatations, les forces de l'ordre n'ont pas d’indices laissant à penser qu’il s'agit d'un enlèvement et donc que les quatre critères nécessaires pour initialiser le dispositif ne sont pas réunis. La petite fille fait l’objet d'un avis de disparition inquiétante, aucun suspect n'est signalé. Une semaine plus tard, un homme de 34 ans, Nordahl Lelandais, présent au mariage, est interpellé et écroué, des traces ADN de l'enfant ayant été trouvées dans son véhicule.

Le 18 février 2022, la Cour d'assises de l'Isère le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.

Cette condamnation est conforme aux réquisitions de l'avocat général qui avait qualifié l'accusé de « danger social absolu ».

Aujourd’hui, la dernière alerte-enlèvement a eu lieu en Guyane le 9 décembre 2022. Une fillette de 13 mois, enlevée par sa mère, est retrouvée, le 14 décembre, en bonne santé.

Ce dispositif a prouvé son efficacité grâce à la participation réfléchie de citoyens.