Ecrire est une nécessité

Rencontre avec Hervé Le Corre, professeur de littérature et écrivain bordelais, spécialisé dans le roman noir.

 

Par Jeanine Duguet- photo de D. Sherwin-White

 

Apparence sobre, yeux bleus où transparaît de temps à autres une chaleureuse bienveillance. L’homme, qui se veut discret, n’en n’est pas moins un écrivain de polar multi récipiendaire.

 

— Hervé Le Corre qui êtes-vous ? Professeur de littérature ou écrivain ?

Les deux, j’ai enseigné pendant 38 ans tout en écrivant des romans. Tout a commencé vers l’âge de 20 ans avec des essais et la rédaction de romans de littérature générale, mais qui n’ont pas obtenu de succès. C’est en lisant Jean-Patrick Manchette et Jean Vautrin que je me suis orienté vers le roman noir. Il me paraissait être plus facile de décrire des situations en prise avec la vie.

 

— Où puisez-vous votre inspiration ?

Un peu partout selon la sensibilité du moment, l’air du temps, l’actualité, les faits divers, les problèmes sociaux…

 

— Vous avez un art tout particulier pour faire vivre vos personnages. C’est comme si vous étiez chacun d’eux : quel est votre secret ?

Le travail, la réflexion, l’empathie spontanée que j’éprouve envers les gens qui souffrent. Je me dis « et si c’était moi, comment je réagirais ? » Ceci afin de me glisser dans la peau des personnages.

 

— Pourquoi glissez-vous ici ou là des instants poétiques ?

Ce sont des moments de contemplation dans le récit qui me donnent un plaisir fou. C’est un peu comme un arrière-plan dans le cinéma, cela aide à situer le personnage dans l’ambiance du moment.

 

— Les quartiers populaires de Bordeaux sont souvent votre terrain de jeux. Vous mêlez-vous à la population de ces quartiers pour en restituer l’ambiance ?

Né à Bacalan, je suis issu de la classe ouvrière et j'ai fait mes études à Bordeaux : Camille Julian, Lycée Michel de Montaigne, puis l’Université Bordeaux-Montaigne. J’ai enseigné dans le Médoc puis à Bègles en ZEP1 pendant 18 ans. Je connais bien les difficultés que rencontrent les familles pauvres, les mamans solos qui ont du mal avec leurs enfants et tiennent à bout de bras leur foyer.

 

— Êtes-vous quelqu’un de tourmenté ?

Oui, je suis de nature tourmentée et l’écriture est une façon de mettre des mots sur ce que l’on n’arrive pas à exprimer. C’est comme figer un maudit manège qui s’emballe et peut tourner jusqu’à la nausée… Rembrandt disait : « Je fixais les vertiges ».

 

— Écrire, est-ce pour vous un besoin existentiel ?

Existentiel, non, mais c’est une nécessité. Un besoin. Je respire mieux. Cela me fait un bien fou.

 

— Combien de temps mettez-vous pour écrire un livre ?

— Il me faut entre deux et trois ans. Mon 14e roman est en cours d’écriture.

 

— Vous êtes édité aujourd'hui chez Payot-rivages, Gallimard etc… Est-ce difficile de trouver un éditeur la première fois ?

Pendant deux, trois ans, j’ai essuyé des refus. Puis un jour, j’ai envoyé un manuscrit par la poste à Gallimard, intitulé La douleur des morts et là, j’ai eu une réponse positive dans les 8 jours.

 

— Est-ce que les maisons d’édition aident à la promotion du livre ? Demandent-t-elles un contrat exclusif ?

Oui, à chaque livre j’ai effectué des centaines d’envois à des organismes de presse et audio-visuel suivant la liste donnée par la maison d’édition. Mais aucun contrat d’exclusivité n’est signé. Je reste libre de choisir une autre maison d’édition après la parution d’un livre, ce que je ne fais pas car je suis entièrement satisfait de mon éditeur.

 

— Vous avez obtenu à plusieurs reprises des prix prestigieux : quel a été pour vous le plus marquant ?

Le tout premier, pour L’homme aux lèvres de saphir, nommé meilleur roman policier lors du festival du film policier à Cognac en 2005. Il m'a été remis sur scène par le célèbre Américain Dennis Lehane, auteur de romans policiers, scénariste et acteur dans plusieurs séries dont Mystic river.

 

— En 2020, Laurent Tournebise a réalisé un film documentaire, Hervé Le Corre à l’encre noire, pouvez-vous en parler ?

Je me suis lié d’amitié avec Laurent. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté. Je préfère la discrétion et il m’avait promis que je n’apparaitrais que très peu à l’image. Ce qui, finalement, n’a pas été le cas.

 

— Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Seulement le plaisir de tourner. C’est en fait un chouette film dû au talent de Laurent. Cela reste un bon souvenir.

 

 

 

- Prix mystère de la critique 2005

- Grand prix du roman noir de la ville de Paris 2005 pour L'homme aux lèvres de Saphir

- Grand prix de littérature policière 2009

- Prix Mystère de la critique 2010 pour Les cœurs déchiquetés.

- Prix Le Point du polar européen 2014

-  Prix Landerneau du polar 2014

- Prix Michel Lebrun 2014.

- Prix du polar en série Quai du Polar 2015.

- Trophées 813 en 2015.

- Prix Thierry Jonquet 2015 pour Après la guerre.

- Prix Rivages des libraires 2018 pour Prendre les loups pour des chiens.

- Prix des lecteurs 20 minutes Quai Polar 2022 pour Traverser la nuit.

1 ZEP : zone d’éducation prioritaire