Garo-musiques
Lovée au bord de la Garonne, Marmande a grandi et évolué par et avec son fleuve. Connue de tous comme la capitale de la tomate, la ville est aussi le précieux creuset des Garo-musiques.
Étrange chose que la musique, à la fois une et multiple, elle accompagne la vie, elle est partout. L'enfant dans son berceau en découvre les prémices : « dodo » chante sa mère attendrie. L'adolescent rougit devant l'amie, l'adorée, l'adulte désespère devant un sol pas si facile à cirer. Il en va ainsi à Marmande où la musique est présente sous toutes ses formes, du classique aux registres actuels en passant par l'opéra, le chant choral, les symphonies et les mélodies traditionnelles.
Tambours et trompettes
1906, séparation de l'église et de l'état. Marmande résonne des flonflons de deux formations musicales : La lyre républicaine et la société Sainte-Cécile. Rien à voir avec la Guerre des boutons, les musiciens, tous enfants du pays, sont les mêmes au sein des deux groupes. Ni disputes ni rivalité. Un jour, un édile soucieux des deniers publics, stoppe le gaspillage, attribuant une seule subvention. L'Union Musicale est née. Ses rythmes vont faire vibrer les kiosques des boulevards pour le plus grand plaisir des promeneurs. Mais il faut penser à la relève. En 1920, naît la première École de Musique. Les musiciens se font professeurs, ils transmettent leur passion pour l'art et les instruments qu'ils pratiquent, instruments à vent et percussions. En 1965, d'associatif, l'établissement devient municipal. Clairons et trompettes se voient rejoints par leurs amis, pianos, violons, contrebasses etc… Les mairies font toutes des choix politiques, à Marmande, le maire est fervent de la culture, passionné de musique et musicien lui-même (saxophone et piano). Les efforts municipaux vont porter leurs fruits ; en 1984 le Conservatoire Maurice Ravel s'inscrit dans la liste des établissements agréés. Aujourd'hui 580 élèves et 37 professeurs aussi motivés que compétents s'épanouissent dans cet environnement privilégié.
Du xylophone à l'orchestre
Voici Laure, 22 ans, grande, mince, souriante, elle a suivi tout le cursus, elle sera notre guide. Première étape, L'éveil. À quatre ans, elle est entrée au conservatoire pour découvrir la musique et le danse. « Pendant deux ans nous avons appris à écouter, à reconnaître les sons, à les reproduire, à chanter et danser. Deuxième étape les Premiers pas. Il a fallu choisir musique ou danse, j'ai opté pour la musique. Les jeux sur xylophones nous ont permis de concrétiser les espaces entre les notes, les tons, les demi-tons, le plus aigu, le plus grave. Nous nous sommes appropriés le vocabulaire musical. Notre oreille est devenue capable de reconnaître les notes. Dès la deuxième année, j’ai pu me risquer à taquiner la clarinette. Ensuite tout s'est enchaîné comme par miracle. D'abord le Premier cycle avec l'étude des instruments –pour moi clarinette et piano–. Au bout de deux ans le grand bain, entrée dans l'orchestre et atelier instrumental. Que de conciliabules, de fous rires, de colères aussi ! Il est parfois bien difficile d'accorder ses violons. Quel groupe soudé nous formions ! Le Deuxième cycle a coïncidé avec mon entrée en sixième CHAM (classe à horaire aménagé musique). Nouvelle complicité entre élèves musiciens. Je me souviens du retour d'un professeur, nous lui avions concocté un véritable concert. Ces deux années ont été couronnées par le BEM (Brevet d'état musical), diplôme reconnu, mais difficile à obtenir. J'ai passé tant d'heures à répéter exercices et gammes que mes parents commençaient à saturer quelque peu. Ensuite, j'ai continué à jouer pour le plaisir. Certains d'entre nous ont suivi un Troisième cycle de perfectionnement et sont aujourd'hui des amateurs plus qu'éclairés. D'autres ont fait de la musique leur métier ou leur passion. Ainsi Lilas est prix du Conservatoire de Bordeaux, Benjamin clarinettiste professionnel, Guilhem dirige un orchestre, Paul fait partie d'un groupe de rock. Mais, voici Monsieur Mestre, veuillez m'excuser, je vous laisse avec lui. »
Philippe Mestre est le directeur souriant, passionné et enthousiaste du Conservatoire de Marmande. Ses maîtres mots sont découverte et épanouissement. « Marmande est une ville très riche en projets culturels, ce qui nous permet d'aller à la rencontre d'interlocuteurs très divers. Ainsi, hors des murs de l'École de musique, nous travaillons dans des groupes scolaires : création d'une fanfare, de chorales ou projet d'itinéraire musical, jalonné de concerts à travers la ville. Pour qu'un conservatoire prospère il faut un environnement nourri, à nous d'y veiller. »
Des voix à l'orchestre
Voilà pourquoi le Festival Lyrique a vu le jour il y a 26 ans. Il fallait absolument aller à la rencontre du public en le rassurant. L'opéra est un mot qui fait souvent peur. On l'assimile à un art austère et difficile réservé aux initiés. Pourtant à l'origine, c'est un art populaire, écoutez les peintres italiens siffler ou chanter sur leurs échafaudages et vous reconnaîtrez Carmen, La Traviata ou d'autres airs d'opéra. Il en va de même dans nos cuisines. Alors, l'enjeu était de rendre au public cet art qui lui appartenait et de faire venir au théâtre les spectateurs qui bientôt se découvriraient mélomanes et mêmes passionnés. Les premiers curieux conquis ont parlé autour d'eux, amené leurs amis et le festival lyrique de Marmande a gagné ses lettres de noblesse. L'opéra c'est une histoire mais ce sont surtout des voix. Qu'à cela ne tienne, Marmande allait donner la vedette au chant et servir de tremplin aux lauréats du Concours de chant international du mois d'août. Aujourd'hui plus de 200 concurrents participent aux éliminatoires devant un jury composé de directeurs d'opéra français et étrangers. Ils repartent souvent avec un contrat d’engagement. Toujours l'idée de découverte, de partage et d'épanouissement. Au début, les participants au concours étaient accompagnés au piano mais chaque projet en générant un autre, l'Orchestre des symphonistes d'Aquitaine, dirigé par Philippe Mestre a vu le jour en 1995. Depuis il a investi salles et théâtres de verdure comme à Gujan-Mestras où l'été prochain il accompagnera Les pêcheurs de perles. Normal au bord de l'eau.
De l'orchestre aux groupes
Plein air et bord de l'eau, voilà encore la musique à Marmande. C'est le printemps, les premières fraises arrivent. Ce week-end vous essayez de franchir le pont ou d'entrer à la gare, impossible ! Que se passe-t-il ? Des gens vont et viennent, des camions arrivent, des campeurs, des piétons, des automobilistes... Tous se dirigent vers les bords de la Garonne. C’'est sa fête : Le Garorock. Il y a 18 ans, Ludovic Larbody et un groupe de bénévoles passionnés de rock et de musiques alternatives installent à l'espace expo le premier festival : Stop Hypocrisis. Révolution. Un millier de spectateurs. Depuis l'événement n'a cessé de prendre de l'importance. Il est maintenant géré par l'association MRPower (450 bénévoles et 200 intermittents). Le directeur Éric Van de Zande, Lucas trompettiste médaillé du Conservatoire de Bordeaux fait aussi partie du groupe de choristes de l'École de musique. À Marmande on ne dit pas les musiques mais la Musique ou l'inverse. Moyenne d'âge des spectateurs, 25 ans, public jeune, curieux, friand de rencontres et de manifestations réservées d’ordinaire aux grandes villes. Garorock a déjà reçu des noms célèbres comme Mano Solo, Iam, Les Ogres de Barback et tant d'autres encore. Car partis surtout du style punk et du rock hard, le festival se diversifie de plus en plus : reggae, roots, électro etc... En 2008, le Garorock offre 50 groupes à 42 000 fans. Depuis plusieurs années, il ne s'agit plus d'une soirée mais de trois. La manifestation s'est étirée dans le temps mais l'espace manque. En 2012 l'événement, devenu phénomène national, rejoint les rives de sa partenaire la Garonne en s'installant dans la plaine de la Filhole.
Le site aménagé à grand renfort de pelleteuses et autres engins est devenu un des premiers en France pour la qualité de l'accueil et de l'hébergement. Portés par la passion de la musique, 54 000 fans (3 fois la population de la ville) venus de tout le pays et même de l’étranger s’y retrouvent en 2013. Qu'en sera-t-il cette année les 27, 28, 29 juin ?
Projet de balades pour les premiers beaux jours : Marmande et ses musiques. Au premier soir de l'été, venez valser avec l'accordéon de Dany et son amant de Saint Jean au coin d'une ruelle médiévale, chantez avec les chorales du Val de Garonne de Patrick, adonnez-vous au bel canto en compagnie des chœurs des Nuits Lyriques, bougez avec les groupes de rock, de reggae ou de rap des jeunes marmandais, généreux et heureux du partage. Quand vous repartirez, tendez bien l'oreille, vous entendrez bruisser la Garonne et ses grands peupliers. C'est aussi cela la Garo-Musique.
Dany Guillon