Sigmasongs

Le musée d’art contemporain de Bordeaux, le 14 novembre 2013, expose les archives des 25 ans du festival Sigma. Chaque jour, jusqu’au 2 mars, verra la rediffusion d’une œuvre mais aussi des propositions de rendez-vous artistiques contemporains.

De 1965 à 1995, le festival Sigma, créé par Roger Lafosse, a été l’occasion de vivre la création en direct et, pour la ville de Bordeaux, de rayonner mondialement dans le champ de l’expérimentation et de l’audace artistique.

 

Bataille

À l’inauguration de l’exposition, une foule nombreuse se presse dans la grande nef de l’entrepôt Lainé, devenu le musée d’art contemporain. De grands panneaux sur tous les murs, des affiches, des vidéos, des écouteurs qui retransmettent l’ambiance des spectacles donnés en leur temps. Ce sont des formes artistiques les plus radicales et novatrices. Les curieux retrouvent les émotions de leur jeunesse. Ils reconnaissent leurs amis parfois perdus de vue. Les cheveux ont blanchi ! Ce festival a laissé des traces dans les mémoires et dans le milieu des universitaires bordelais.

La création choisie pour l’ouverture, Bataille est une chorégraphie de Pierre Rigal, ou comment se battre élégamment. Les jeunes spectateurs se regroupent sur les gradins et coussins, les autres assistent debout à cette performance qui dure 30 minutes. Cette danse stylisée, pour deux danseurs, tient tout à la fois du cirque, du bruitage, de la danse, de percussions corporelles et de la bagarre de cour de récréation. Du bruit, des claques, des vociférations, des coups de poing, ponctuent les mouvements des danseurs et font office de musique.

 

Sigma est aujourd’hui

Le concert, en partenariat avec le Conservatoire de Bordeaux, a lieu le dimanche 8 décembre à 11 h. Les spectateurs prennent place, ceux qui veulent prolonger leur nuit préfèrent la douceur des coussins, au ras du sol ! Le fil conducteur sera Le voyage, de Pierre Henry, considéré comme l’un des pères de la musique électroacoustique. Cette œuvre composée en 1962 est conçue pour une chorégraphie de Maurice Béjart autour du Livre des Morts tibétain. Les sons provenant de systèmes électroniques vous transportent dans le temps, l’espace, le cosmos. La perception du souffle est douce. Chaque mouvement est une continuité sans coupure, qui se déroule dans un espace flottant. Pierre Henry utilise des sons élémentaires comme l’orage, le vent, le train, les animaux, ou les souvenirs sonores de son enfance. Il a créé à l’ORTF, le groupe de recherche sur les musiques concrètes (GRMC).Le festival Sigma l’a invité sept fois. Se succèdent L’île verte, puis Agnus, interprété par quatre artistes, deux voix féminines et deux saxophonistes. Usine, la musique est plus rapide, elle s’interrompt quelques secondes, puis reprend, c’est une performance pour les trois danseuses. Avec Dérive en grande Garabagne, on entend des aboiements de chien dans le lointain, des bruits de trains. Cassation est interprétée par douze saxophonistes. Toutes ces musiques ont été conçues par de jeunes auteurs contemporains. C’est leur lecture de l’œuvre de Pierre Henry. La plupart de ces compositions utilisent des sons d'origine acoustique, des sons de synthèse ou produits par ordinateur.

 

Free jazz

Des rendez-vous sont proposés en soirée au musée. Un spécialiste est invité à prendre la parole sur un sujet spécifique, en écho aux œuvres de l’exposition. Ainsi, le 8 janvier, Philippe Méziat, chroniqueur et collectionneur, fait une conférence : Le jazz à Sigma, une somme de tous les jazz(s).

C’est une causerie-rencontre sous le signe de Duke Ellington dont la photo est projetée sur grand écran. Ce conférencier a vécu le passage du Duke à Bordeaux en 1969 mais aussi toutes les grandes heures du festival. Il précise que le free jazz était programmé et joué surtout jusque dans les années 80. C’était une forme de jazz subversif et contestataire, au moment des évènements de 1968 ou contre la guerre au Vietnam. De nombreux artistes sont venus au festival, comme Keith Jarret, Martial Solal, Bernard Lubat, Bill Coleman, Michel Petrucciani et bien d’autres.

Le directeur du festival des Grandes Traversées, qui est en somme la continuité du festival Sigma dit : « Courir après la création, c’est ne jamais la rattraper, c’est courir devant, mais toujours seul. »

Pierrette Guillot

 

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