En Gironde, vieillir peut se décliner autrement : l'association Boboyaka.

Dès 1997, l'idée de créer une maison de retraite autogérée émerge dans l'esprit de Thérèse Clerc (directrice de la Maison des femmes à Montreuil) à la mort de sa mère. La canicule meurtrière de 2003 précipite les événements et la mairie de Montreuil attribue un terrain pour la construction de la maison : les Babayagas* ont été entendues par les pouvoirs publics et ont obtenu gain de cause.

Rencontre

À Bordeaux en 2007, cela commence banalement autour d'une rencontre entre amis qui partageaient du temps, des relations affectives et amicales, d'échange, qui se fréquentaient et appréciaient d'être ensemble. L'idée germe alors : pourquoi ne pas imaginer un futur après la vie active, un futur qui inventerait le vieillir ensemble et autrement ?Penser à une retraite autre que celle qui conjugue repli sur soi, isolement, institution spécialisée, dépendance ? En référence à l'expérience des Babayagas, l'association Boboyaka est créée à Bègles.

La charte des Boboyaka décline des exigences : laïcité, mutualisation, écologie, autogestion et solidarité.

Vieillir

D'ici 2030, 30 % de la population aura plus de 65 ans.

À quoi sommes-nous confrontés dans le vieillissement ? À une succession de modes d'exclusion, à la mise en place d'un dispositif singulier pour gérer sa retraite, à la raréfaction des relations sociales et à la solitude. Bien sûr, le bénévolat, le monde associatif offrent une reconnaissance sociale, mais la question du mode de vie reste entière : à domicile, avec ou sans aide, en institution spécialisée ?

Vieillir c'est vivre autrement, c'est permettre que les personnes âgées soient partie prenante de l'organisation de leurs modes de vie. Mais vieillir ensemble dans un collectif pose la question de la régulation des relations interpersonnelles, objet de débat dans l'association lors des rencontres mensuelles, ne serait-ce que pour « ne jamais se coucher fâchés » (Saint-Augustin).

Utopie ?

Raoul T, un des acteurs à l'origine du programme nous explique : «  Le projet s'est créé autour de valeurs communes : allier des espaces personnels et collectifs permettant à chacun de vivre jusqu'à sa mort dans un environnement favorable au maintien de son autonomie. Conçu pour une vingtaine de résidents entre 55 et 80 ans aujourd’hui, il propose des appartements privés (50 m²) pour les couples et les personnes seules, et des espaces collectifs à l'intérieur : bibliothèque, salon, cuisine, salle de jeux...et d'autres ouverts vers l'extérieur pour des rencontres, expositions, débats, animations. ». La crainte que l'on pourrait avoir est de reproduire un modèle d'enfermement, replié sur la communauté. Notre interlocuteur nous rassure : « Trois studios seront dévolus à l'accueil/hébergement de stagiaires, étudiants en déplacement, pour des séjours courts. D'autre part nous avons imaginé l'installation d'une Maison d'assistance maternelle (quatre adultes et seize enfants) dans la journée afin de favoriser les liens intergénérationnels. »

Construire

La loi Allur du 24 mars 2014 permet la reconnaissance du statut de coopérative d'habitants. Chaque coopérateur est locataire mais aussi propriétaire de parts sociales de la coopérative. Dans le cas présent, le montant du loyer (500 €) couvre les frais d'entretien, le remboursement de l'emprunt fait par la coopérative pour construire le bâtiment. L'entrée dans le projet se concrétise par un apport personnel de 20 000 €. Au terme de la convention, le bâtiment revient à la collectivité.

Et l'implantation ? Ville, banlieue, campagne ? Le choix du groupe se porte sur un espace urbain à proximité de la vie culturelle et de l'offre de soins. La ville de Bègles a proposé un terrain dédié à la réalisation du projet, un architecte, Christophe Hutin accompagne l’association dans l'étude préliminaire.

 En attendant les décrets d'application de la loi Allur, les coopérateurs de l'association Bobayaka peuvent se reconnaître dans cette pensée de Paul Léautaud :

« Je m'amuse à vieillir, c'est une occupation de tous les instants. »

Jean-Louis Deysson

* Babayagas : nom des vieilles grand-mères russes

Association Boboyaka

55 Avenue Jean-Jaurès

33130 Bègles boboyaka@free.fr