C'est lundi, comme chaque semaine, Florence vient faire ses achats à l'Annexe. Elle est accueillie par Mylène, l'animatrice salariée de l'épicerie solidaire qui lui offre un café et prend de ses nouvelles autour d'une petite table ronde.

Convivialité et discrétion

 « Non, mon mari n'a pas encore retrouvé de travail mais son moral est meilleur depuis qu'il va au jardin partagé, sans compter que les légumes bio, c'est super ! » « Alors, Florence, vous pourriez vous inscrire à l'atelier cuisine ; une bonne soupe, ça fait du bien, en ce moment ! » « Et si je faisais un pot-au-feu plutôt ? Je peux commander de la viande ? » « Oui, bien sûr, je m'en occupe »

Les voilà parties dans les rayons ; au passage, Nicole et Françoise, les bénévoles du jour conseillent Florence si nécessaire.

Ici, on trouve des produits discount, de grande distribution ou de marque, à des prix normaux, mais c'est à la caisse que se joue la différence. Florence présente à Mylène sa carte d'adhérente à la Cabane à Projets, –le Centre socioculturel intercommunal dont dépend l'Annexe– et une carte personnelle informatisée. C'est un justificatif des aides qu'elle a obtenues des organismes sociaux pour une durée donnée. Cette carte va lui permettre de ne payer que 10 à 30 % de ses achats, en toute discrétion, comme 30 autres familles dans son cas.

Derrière Florence, à la caisse, Bastien attend son tour. Il est venu en voisin faire quelques courses de célibataire sans problèmes qu'il paiera, lui, au prix normal car l'Annexe est une épicerie solidaire (et non sociale) ouverte à tous pour une alimentation de qualité.

Humanisme au quotidien

Sandra Oliveau, directrice de la Cabane à Projets, nous en explique la philosophie : « Tolérance, démocratie laïcité, écoute des envies et besoins des habitants et associations du Créonnais que nous accompagnons dans la mise en œuvre de leur projet. C'est dans cet esprit que naît l'épicerie solidaire, un projet participatif fondé sur la mixité sociale, mené avec la Communauté de Communes du Créonnais, les acteurs sociaux et le tissu associatif des 13 communes.

Il s'agit de lutter contre l'exclusion et de promouvoir une insertion durable. La contribution financière demandée respecte la dignité et de la liberté de choix. Elle contribue à restaurer l'estime de soi et instaure d'autres rapports que le don. Nous sommes dans l'échange, pas dans l'assistanat

Mais je vous laisse avec Suzette Grel qui a initié et porté cette belle réalisation.

Une femme engagée

Ce jour -là, simple bénévole à l'épicerie, Suzette passe des commandes. Elle respire la générosité et l'empathie. Sa vivacité souriante est toujours à l'œuvre pour résoudre problèmes humains ou administratifs. Professeur de collège, elle a longtemps été élue municipale, adjointe puis maire de Le Pout et vice-présidente de la Com'Com' du Créonnais. En charge de l'action sociale, elle a siégé et siège encore dans différentes instances d'aide aux démunis. Sympathique et compétente, elle a développé un réseau qui lui a permis de créer à partir de 2009 la Cabane à Projets puis, dans ce cadre, l'Annexe. Convaincante, elle sait défendre ses dossiers et les faire financer. Ainsi, la Com' Com' paie le loyer et les charges de l'épicerie et la CAF, le Conseil Général et la MSA accordent des subventions.

Pour Suzette, tout est échange et partage, elle préfère enseigner la pêche que donner le poisson « Ici, on pratique le troc-savoir, dit-elle. Àl'épicerie, pas de plats préparés, mais au fond de la boutique, un atelier cuisine, au-dessus, un vaste atelier couture et dans la campagne, un jardin partagé. »

Suzette est fière de ce fonctionnement unique, de cette « plus-value pour le territoire » mais reste modeste « je n'ai fait que donner l'impulsion, j'ai pu m'appuyer sur la ferveur et l'enthousiasme de gens dévoués et compétents comme la directrice, Madame Oliveau et la nouvelle Présidente, Madame Ormaechea. »

Encore des projets ? « Oui, un Pass culture pour tous, car manger ne suffit pas ! »

Suzette est toujours en marche et cet exemplaire parcours citoyen de 25 ans vient d'ailleurs de lui valoir la médaille de Chevalier de l'Ordre du Mérite.

Ce n'est pas volé, semble-t-il...

Claudine Bonnetaud