La rue en partage

Outre les institutions d’État, des associations se mobilisent pour apporter un peu de réconfort aux exclus de la société : ActionFroid en est une.

 

Nous venons de passer en 2015 ; pendant que nous fêtons cette nouvelle année au chaud, verre à la main, d’autres meurent de froid ou survivent comme ils peuvent. Chômeurs et travailleurs pauvres, c’est ainsi que l’on nomme les personnes en emploi précaire, ayant une rémunération insuffisante pour payer un loyer et avoir une vie décente. Cette situation touche aussi bien des jeunes que des familles, ne nous étonnons pas alors de trouver des immeubles vides squattés. À la une des journaux, on peut lire dans Libération du 29 décembre : « Un mort dans le nord : un jeune homme de 29 ans, SDF, est vraisemblablement mort d’hypothermie. » Dans 20 minutes, « La vague de froid tue six sans abri en France ». Sur France Bleu Bordeaux Gironde, Nathalie, SDF à Bordeaux, témoigne de la difficulté à trouver un hébergement au 115. Dans Le Parisien, «  Le 115 saturé : pas assez d’hébergements d’urgence pour les sans-abri » et signale que Bordeaux, hélas, ne fait pas exception avec ses 100 personnes répertoriées sans solution d’hébergement. Sur tout le territoire, cette population mal connue s’élèverait à 81 000 adultes accompagnés de 31 000 enfants sans compter ceux qui ne fréquentent aucun centre, et ceux des zones rurales ou des villes de moins de 20 000 habitants.

Photos ActionFroid

Logistique

Le partage commence via Facebook, groupe ActionFroid Gironde. Suivez attentivement les évènements proposés, choisissez les actions et les dates possibles pour vous, et n’oubliez pas de vous inscrire pour vous joindre à la liste des bénévoles. Vous pouvez découvrir alors qu’une maraude se prépare minutieusement quelques jours avant. Au centre technique de Saint-Médard en Jalles où la ville leur prête un local, Philippe Lointier, fondateur de cette association à Bordeaux, vous accueille en toute simplicité et en quelques phrases précises, vous guide au milieu des vêtements, sacs, chaussures, couvertures, produits d’hygiène de provenance diverses. Tout de suite, vous êtes dans l’action. Il s’agit de trier mais aussi de préparer les sacs et caddys pour la prochaine maraude. L’ambiance bonne enfant vous fait oublier l’heure. La veille du jour déterminé, c’est la mise en cagette des denrées alimentaires récoltées auprès des centres commerciaux, d’un maraîcher, et chacun est sollicité pour collecter pains et croissanteries invendus dans son quartier.

 

Maraude

Jour J., 18h : le camion blanc portant le logo ActionFroid se remplit de son précieux chargement auquel s’ajoutent soupes et boissons chaudes. Un mini cortège de voitures particulières le suit en direction du parking des Quinconces où rendez-vous a été donné à l’ensemble des bénévoles pour un briefing général. Tous se regroupent autour de Philippe Lointier qui donne des consignes très précises sur la conduite de sécurité à tenir auprès des SDF, tout en rappelant que l’association est apolitique et non confessionnelle. Chacun rejoint son responsable de secteur, charge les voitures des produits de survie, et part sur les lieux préalablement désignés. C’est ainsi que certains soirs, vous pouvez les croiser, gilet bleu au sigle ActionFroid, sillonnant à pied la ville. À leur vue, les habitués de la rue sortent de nulle part et c’est un moment fort où l’on se serre la main, où l’on échange quelques propos. L’une a besoin d’un pantalon taille 42, l’autre, un bonnet chaud, un autre une couverture…mais il faudra aller à la recherche de ceux qui, cachés dans un recoin, sous un porche, une rampe d’escalier, un pont, restent comme honteux loin des regards.

Aucune subvention pour ActionFroid, seulement une organisation hors-pair, des bonnes volontés qui se rassemblent dans la bonne humeur et le calme, une grande générosité de la part de chacun, et on peut vous affirmer que, parmi les membres, les jeunes sont nombreux, mais de ceux-là, on ne parle pas assez.

 

Jeanine Lacoste