Portrait d'une bénévole
Partager consiste à diviser, effriter, morceler, fractionner, dédoubler, dans l’esprit du possédant c’est plutôt négatif, mais quand le partage permet d’échanger, cela devient richesse ou valeur positive. Pour étoffer ces arguments, L’Observatoire a rencontré une bénévole aguerrie.
Denise, grand-mère de deux petites filles, n’a rien d’une cheftaine de l’humanitaire, d’ailleurs elle abhorre ce terme. Petit bout de femme, retraitée depuis huit ans, jolie brune, coquette aux yeux bleus, elle s’exprime calmement tandis que les paumes de ses mains manucurées affirment ses dires en s’appuyant fermement sur la table, devant elle. Le partage : une valeur familiale, elle est tombée dedans très tôt.
Qu’est-ce qui fait courir Denise ?
« La révolte devant ce monde d’inégalités, de démunis, d’oubliés, de laissés pour compte, j’ai eu la chance de naitre du bon côté » répond-elle !
Ne jamais laisser personne sur le bord du chemin pourrait être sa devise. C’est une meneuse, une battante, une organisatrice qui a besoin d’une équipe autour d’elle. Quand elle parle de sa bande, on a l’impression d’un groupe de sales gosses facétieux. Mais elle a aussi besoin de soutien, de garde-fou, ses fidèles adeptes sont là pour y veiller.
Elle trouve qu’il y a trop de retraitées(és) dans le bénévolat, que c’est trop souvent une chasse gardée pour se donner bonne conscience ou pour s’occuper, comme on irait à l’Université du temps libre ou à un atelier de patchwork
Des Restos du cœur…
Elle a travaillé vingt neuf ans dans l’Aéronautique, revendiquant l’ouverture de la culture pour tous, elle s’est battue pour permettre au personnel d’obtenir des places de spectacle à tarif réduit.
Elle a été bénévole treize ans aux Restos du cœur. Elle distribuait avec le bus, un soir par semaine, dans le quartier Sainte Croix, soupe, café, chocolat, durant les quatre mois d’hiver qui sont devenus six depuis 2013. Elle a aidé à la création des Restos bébés, en commençant par rendre salubre un lieu qu’il a fallu gratter, récurer, peindre. Elle a épluché, cuisiné, balayé, lavé, servi, à l’accueil de jour de Bacalan, elle a participé aux collectes nationales, aux paquets cadeaux permettant de récolter des fonds au moment des fêtes.
La routine, l’usure et les querelles de personne sont venues à bout de notre coriace Denise, qui a quitté les Restos. Ce qui l’a beaucoup affectée.
…au Pain de l’amitié.
Après une période d’abattement, grâce à son réseau et au soutien de sa bande, elle est entrée au Pain de l’amitié, installé depuis trente ans à Saint Nicolas ou elle co-gère une équipe, une demi-journée par semaine. Cette association avec ses 150 bénévoles et une épicerie solidaire, est moins connue que les Restos. Son but : apporter une aide matérielle et morale aux personnes en difficulté et favoriser leur insertion économique et sociale. Elle s’investit dans l’opération des paquets cadeaux. Cette année, en vingt trois jours de présence, son équipe, encadrée avec précision et bonne humeur a récolté un joli montant, entre les magasins Habitat de Mérignac et Décathlon de Bègues, pour la Recherche de la ligue contre le cancer.
Son mari encore en activité, que rien ne prédisposait à cet investissement solidaire, accepte de la partager avec le bénévolat, l’accompagne même pour faire les paquets le dimanche et le jour de Noël.
C’est une femme de gauche, elle insiste. Une fille de Coluche dont elle parle avec des yeux qui brillent, car elle a eu la chance de le rencontrer. Elle ne pourrait pas vivre sans donner de son temps aux autres, elle reconnaît que la tâche est parfois difficile : il faut rester à sa place, faire preuve de fermeté, supporter les insultes des déshérités trop souvent avinés, ne pas s’investir affectivement.
Mais quand dans la rue elle entend : « Hé Denise ! » Leur salut et leur sourire confortent son engagement dans le partage.
Paule Burlaud