Refus de partage
Waff, waff...Aoueueuh, aoueueuh... Les aboiements de chien sont intenses et quelquefois ponctués de hurlements à la mort. Comment un citoyen peut-il imposer une telle nuisance sonore à tout son voisinage ?
Même les chiens les plus gentils peuvent être très bruyants
Les jappements proviennent de la maison juste située derrière la mienne. Tout le quartier en profite abondamment du matin au soir et même jusque tard dans la nuit. Pas besoin d'avoir l'ouïe particulièrement aiguisée pour le repérage. Un nouvel habitant a dû s'y installer, escorté de son bruyant compagnon.
Haut et fort
Une première démarche s'impose. Se rendre à la maison concernée pour poliment faire part à son occupant de ce retentissant désagrément de voisinage. Je m'y rends donc d'un pas décidé et sonne avec énergie. La porte s'entrouvre à peine. Une targette de sécurité bloque le battant et rend ce premier contact plutôt désagréable. Et c'est dans le petit espace qui laisse tout juste passer un rai de lumière que j'explique :
« Votre chien aboie fort et beaucoup, c'est très gênant, surtout la nuit. »
— Ah, mon chien aboie. C'est surprenant. Personne ne me l'a jamais dit
— C'est peut-être parce que vous êtes nouveau venu dans le quartier et que les habitants n'ont pas encore eu le temps de s'en inquiéter
— Je n'ai aménagé qu’hier. C'est quand on s'absente que le chien s'ennuie. Alors, il aboie, dit-il en guise d'excuse.
— Drôle d'idée d'acquérir un chien pour le faire aboyer d'ennui, pensais-je en mon for intérieur. Surtout la nuit
La conversation se poursuit quelques temps. Au bout d'un moment et par le jeu d'un déclic magique, la porte s'ouvre enfin largement. La situation est plus claire. Nous sommes face à face. Rien à signaler d'extraordinaire. Le propriétaire du chien a une allure plutôt passe-partout et je ne trouve aucun signe distinctif pour le décrire. Il me désigne la Bête de son bras tendu vers le jardin. Et j'aperçois avec stupeur un molosse qui doit bien avoir la taille d'un veau. Je le trouve très laid et il m'est d'emblée fort antipathique. Il ne se manifeste pas pour l'instant. Il doit se sentir en sécurité. Rien d'étonnant à l'ampleur de ses aboiements. Disons qu'ils sont proportionnels aux dimensions de l'individu.
Quelques paroles encourageantes de la part de mon interlocuteur ponctuent pourtant cette conversation:
« Surtout, n'hésitez pas à me laisser un message dans la boîte aux lettres si vous êtes de nouveau gênée par mon chien. »
Forte de cette affirmation, je rentre, un peu rassurée. Sur le trajet du retour, je rencontre une voisine qui me prétend ne rien avoir entendu du tout ! Impossible qu'elle n'ait rien perçu. Serait-elle de mauvaise foi ? Peut-être est-elle très dure d'oreille !
Perplexe, je me risque à sonner chez mon voisin immédiat que je connais bien. Son épouse me dit ne pas avoir fermé l'œil de la nuit à cause de ce « maudit cabot ». Elle refuse de partager ces manifestations sonores sur un long cours et envisage déjà d'alerter la police dans le cas d'une continuité des aboiements. Je suis, bien sûr, tout à fait d'accord avec elle. Mais s'il suffisait que la police se déplace pour que le chien n'aboie pas !
Wait and see
Plutôt découragée, je sonne chez une autre voisine et son petit garçon se plaint amèrement de ne pas avoir pu entendre la télévision la veille à cause des aboiements du chien. Cette émission ratée devait drôlement l'intéresser parce qu'il était très mécontent. Mais son père ne me réconforte pas en disant : « Les aboiements de chien entrent dans la catégorie des nuisances diverses et ne font l'objet d'aucune mesure spécifique. »
Cette affirmation me désarçonne. Faudra-t-il déménager pour éviter les aboiements du chien. Je rêve...
Pas de réaction hâtive cependant. Wait and see.
C'est chose faite depuis un mois. Le chien se manifeste de temps en temps sans doute pour donner de ses nouvelles mais pas avec la même constance ni opiniâtreté. Le problème ne me semble pas réglé pour autant. Affaire à suivre...
Je refuse obstinément de partager le registre bruyant du chien de mon voisin. Je persiste et je signe.
Brigitte Ravaud-Texier