La piste cyclable est habituellement très fréquentée ( photo de R. Peuron)

Enfermés, bouclés, cloîtrés, nous sommes confinés.

Comment un redoutable virus peut bouleverser nos vies, l’événement m’a inspiré pêle-mêle ces quelques réflexions, aussi débridées que la situation est confuse. 

Un arrière-goût d’amertume 

Intermarché, le 17 mars, le spectacle offert est désolant, des rayons désespérément vides, on a pillé le riz en hommage à la Chine ? les pâtes pour soutenir l’Italie ? Oui, mais le papier WC ? C’était un jour de grosse commission ! Les mousquetaires avaient pour devise « Tous pour un, un pour tous », ce n’est pas l’image laissée par ces chariots fous déferlant des allées vers les caisses, avec leur surréaliste cargaison. 

On a déclaré la guerre au virus, tous les ingrédients sont réunis, la vaillance des combattants du front, l’insuffisance de l’armement, l’exode et ces milliers de franciliens investissant l’Aquitaine, la délation. Et puis, au-delà des hôpitaux, on déplore de trop nombreuses victimes dans les EHPAD. 

La presse s’est cantonnée pour moi à Sud Ouest et une sympathique couverture des départements voisins, mais aussi des pages d’avis d’obsèques à hanter Jérôme Salomon qui, chaque soir, soufflait le chaud et l’effroi délivrant de morbides statistiques avec la délicatesse d’un assistant funéraire. Les articles du quotidien emboitaient trop souvent le pas aux positions officielles, au détriment des opinions citoyennes. À la télé, une parole omniprésente des sommités scientifiques, loin d’éclairer la réflexion a semblé l’obscurcir et créer un climat anxiogène. Sur le plan économique, les éternels débats avec des experts, toujours les mêmes, qui savent tout sur tout. 

Quelques sourires avec des films : On ira tous au paradis (une promesse), Marche à l’ombre (une évidence), La grande vadrouille (le couteau dans la plaie), Papy fait de la résistance (la révolte des seniors). 

Toubib or not toubib 

J’ai admiré le courage et l’abnégation des médecins et personnels soignants du « front » confrontés au COVID 19 et à la pénurie matérielle des hôpitaux. Chapeau à Léa pour avoir rejoint ces belles équipes. Par contre, les volte-face, les antagonismes et le dogmatisme de certains scientifiques m’ont déçu. La bonne gestion de la crise par nos voisins Allemands a accentué mon amertume. Et puis, quelques médecins médiatiques semblent fréquenter plus souvent les plateaux de télé que les hôpitaux. 

Olivier Véran n’a pas démérité alors qu’il a remplacé au pied levé une démissionnaire, candidate à des élections qualifiées de « mascarade », un terme où le masque, denrée rare, est plutôt à l’honneur. Pour les anciens ministres de la santé, sang contaminé ou canicule incitaient à la discrétion.

Un confinement eysinais 

Ma femme est une jardinière dans l’âme, pour ma part j’ai regardé pousser le muguet en lisant du Pierre Lemaitre, observé, amusé, mes amis les merles, tondu consciencieusement la pelouse. Désormais, je peux prononcer, sans l’écorcher, le nom de notre bel arbuste, un lagerstroémia. Nous avons aidé notre voisine de 93 ans et mesuré ce qu’enduraient les habitants de la cité du Grand Caillou, toute proche. La pandémie m’a soudain rappelé La Fontaine et Les animaux malades de la peste : « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. » « Selon que vous serez puissant ou misérable. » J’ai abandonné lâchement mon vélo qui, de chagrin, s’est pendu au garage et pallié l’arrêt des randonnées pédestres par de méritoires, mais grotesques, efforts sédentaires. On nous annonce pour demain, à la Winston Churchill, du sang, de la sueur et des larmes. La crise a permis la redécouverte des « petits métiers » tellement indispensables, mais l’explosion du tout numérique, le triomphe des GAFA, l’extension du télétravail, de la téléconsultation, la distanciation sociale dans tous les sens du terme, nous attendent. 

Pour sortir de la morosité, pourquoi pas cette jolie phrase d’Etty Hillesum[1] : « Même si on ne nous laisse qu’une ruelle exigüe à arpenter, au-dessus d’elle il y aura toujours le ciel tout entier. » 

Claude Mazhoud