Pas de fête à Tauzia

Six mois d’intense préparation et quinze jours pour tout annuler. Confinement et conséquences pour la Fête des plantes et des jardins de Gradignan.

 

 

À peine le domaine de Tauzia, situé à Gradignan, face au Prieuré de Cayac, vient-il de rejoindre le club très fermé des Expositions de jardins dans un cadre historique qu’une lourde adversité s’abat sur la 8e édition de sa Fête des plantes. Juste avant l’été, le thème proposé pour illustrer la Fête des Jardins des 4 et 5 avril 2020 colle tout à fait aux préoccupations du moment. À l’heure de renouveler les diverses plantations, en effet rien n’est plus adapté que parfaire ses connaissances en Plantes d’avenir et jardins économes en eau. Ce sujet particulier répond à la problématique des deux derniers étés marqués par 5 mois sans eau. Mais les 5 000 visiteurs prévus, et parmi eux les Olivier, les Rose, Violette et Marguerite, dont le prénom offre le privilège de participer gratuitement, n’ont rien appris.

Les catastrophes ne sont pas que climatiques, elles peuvent aussi être sanitaires. Quand le 15 mars, Le Président Macron annonce le confinement, Mr et Mme de Ferluc, les organisateurs et occupants des lieux, n’y croient pas. Stupéfaction. Annulation. Complications.

 

La fine fleur des professionnels

Comme pour chaque session, il a fallu plus de six mois aux propriétaires pour réfléchir, voyager pour s’inspirer, réserver les acteurs les plus pertinents, prévoir les rencontres exceptionnelles avec des experts passionnants, organiser le temps et l’espace, planifier la restauration tandis que les exposants eux-mêmes s’engageaient dans le même temps en prévoyant la production nécessaire à l’exposition-vente. Ils étaient 100, cent spécialistes du monde végétal, pépiniéristes, producteurs et artisans d’exception à s’être engagés sur cet évènement porteur. 

Tout arrêter, tout annuler avec un impact qui peut se révéler de grande ampleur pour des entreprises très souvent individuelles ou unipersonnelles, c’est un travail de déstructuration conséquent et désolant.

 

 

 

Cet évènement botanique est l’histoire de deux passionnés qui, en 4 ans, ont réussi à rejoindre le Club des quatre Fêtes de Jardins les plus réputées avec celles de Chantilly, Courson et Saint Jean de Beauregard. Dans une explosion de fleurs, s’alignent des arbustes d’exception, sous le regard amusé des antiquités anglaises.

 

 

 

Les mauvaises herbes n’existent pas

Arrive le confinement. Pendant cette période normalement la plus agitée de l’année, le calme s’installe sur le domaine girondin. L’abattement moral trouve sa consolation dans les ressources de la botanique. Si aucun traitement de pesticides n’a jamais abimé le sol de la propriété, en revanche certaines espèces d’arbres ne se prêtent plus au biotope. L’année de grande sècheresse de 2003 a vu tomber plus de 80 chênes. Des bouleaux à la croissance démesurée s’écroulent un à un. Il est temps de repenser à la régénérescence du parc à l’aune de la biodiversité. Alors, on oublie la tonte des jardins parfaits. Les mauvaises herbes passent au statut d’hébergeuses de papillons. Plus de cent bennes de branches d’arbres morts partent au broyeur, transformés en paillis. Le potager retrouve sa dignité, le poivrier de Sechouan profite de la place et élance ses grappes d’épices.

 

Alpagas, poules et abeilles

Dans cette atmosphère de silence, d’apaisement et de réflexion, les projets s’épanouissent et s’ancrent rapidement. Il y aura donc un élevage d’alpagas dans un pré, dont la douce laine permettra le tricot de layette pour enfants ; puis l’installation de 24 ruches sous les tilleuls, en collaboration avec l’Essaim de la Reine ; des poules, venues de la Ferme de Sylvia, prendront possession d’un vaste espace tout autour de la grande cabane en bois perchée dans les arbres. Le confinement a ainsi permis de se recentrer complètement sur le domaine, alors que l’évènement avait pour but l’ouverture vers l’extérieur, vers les autres univers horticoles.

Dès le 3 et 4 octobre, la Fête des jardins s’ouvrira sur ce même thème des Jardins économes en eau, qui, plus qu’une technique, est une vraie philosophie qui implique pour les plantes comme pour les hommes, tout un apprentissage pour traverser les périodes difficiles sans trop souffrir.

 

Textes et photos de Dominique Galopin

 

 

L’immense domaine de Tauzia…autrefois !

Dès le Moyen-Âge, le prieuré de Cayac marque le début d’implantation du domaine situé sur le chemin d’Espagne qu’empruntaient les pèlerins vers Compostelle. La Chartreuse de Tauzia n’est apparue qu’en 1778, relais de chasse doté de plusieurs écuries, d’un immense chenil, d’une ferme cernée de pâturages. Ceux-ci abritent aujourd’hui l’Écomusée de la vigne et du vin ainsi que le lycée des Graves. C’est la famille actuellement propriétaire du domaine qui a pris l’initiative de proposer une parcelle aux pépinières Le Lann, évincées de leurs terres pour la construction de la rocade bordelaise.

 

Un Château sans vigne

Quand, au XVIIIe siècle, tous les châteaux du Bordelais se développaient autour de la culture de la vigne, Tauzia révélait déjà sa seule priorité, la botanique. En effet, le domaine présente cette grande originalité de se situer au cœur d’un territoire de 20 ha dans l’appellation Pessac-Léognan, sans aucune plantation de vigne. Encadrant l’authentique chartreuse bordelaise construite sur les plans de Victor Louis (architecte du Grand-Théâtre), classée Monument Historique, s’étend un parc dit à l’anglaise dont l’auteur n’est autre que Louis-Bernard Fischer, la fine fleur des jardiniers bordelais ; sa plus célèbre création est la version actuelle du Jardin Public de Bordeaux. Tout le long du XIXsiècle, les fleurissements des camélias et azalées faisaient déjà l’admiration des sociétés horticoles de l’époque.