Sur les pointes
Que serait la vie de Dominique sans passions, « une vie fade d'un ennui mortel », selon son expression. Elles sont nombreuses. La principale, l'essentielle, la danse classique et les ballets.
Dominique est professeur d'espagnol. Elle a une formation littéraire, aime particulièrement les langues latines et slaves, la musique classique ou sud-américaine, la peinture, le théâtre, en fait l'art en général et les voyages, surtout en Afrique. Mais rien ne peut égaler sa passion pour la danse classique et les ballets depuis plus de 50 ans. Elle dit en riant avoir accumulé tout ce qui se rapporte à cet art. Elle possède tous les DVD de ballets. Elle en connaît les chorégraphies, les partitions par cœur.
Roméo et Juliette (D.R.)
Pourquoi une telle passion ?
Elle pense que celle-ci est liée à celle de la musique. Elle raconte qu'à l'âge de 5 ans, elle s'aperçoit que La flûte enchantée de Mozart allait être représentée à la télévision. Elle demande avec insistance à la voir. Sa mère croyant qu'elle confond avec Le manège enchanté a essayé de l'en dissuader, en vain. La petite regarde émerveillée l'opéra entier devant sa mère dubitative.
À l'adolescence, elle n'a qu'une envie, étudier la danse. Elle s'initie à Bordeaux avec Maria Santestevan, de la troupe du Marquis de Cuevas et danse dans Les Sylphides, ballet de Michel Fokine. Elle dit : « J'ai été à bonne école, avec une maîtresse de ballet rigoureuse, exigeante, perfectionniste au point de corriger les positions du corps au millimètre près. » Elle lui a tout appris, le sens du beau, de l'effort et de l'accomplissement.
Évidemment, le dimanche après-midi, son plus grand plaisir, était d'accéder à son « paradis troisième rang » au Grand Théâtre pour assister aux ballets à l'affiche, au premier rang parfois quand elle avait un peu plus d'argent de poche. « Quel vertige » dit-elle lorsque le rideau s'ouvre et que le spectacle commence « transportant tout le public très loin du monde réel ».
Ce qu’elle apprécie par-dessus tout ? La pureté et la perfection de la technique de la danse classique, la création ou recréation d'un monde qui fonctionne exclusivement avec ses lois internes. Et cette impression de légèreté qui vient de l'utilisation des chaussons de danse nommés « pointes », utilisés pour la première fois en 1801. Elles permettent à la danseuse de se tenir sur la pointe des pieds. Elle est fascinée par cette technique qui met en scène « une volonté d'élévation constante » associée à la notion d'équilibre.
Ses préférences
En fait, elle reste avant tout attachée à l'idéal romantique avec le règne de la danseuse, héroïne pâle et éthérée, incarnant la nostalgie et le spleen. « La danse devient aérienne, défie les lois de la
pesanteur. » Ses ballets préférés, le romantique qui apparaît avec La Sylphide en 1832, tous ceux de Tchaïkovski, les ballets du XXe siècle de Stravinsky, Prokofiev, les ballets russes fondés par Diaghilev dits « classiques » en 1910 et tant d'autres comme Daphnis et Chloé de Maurice Ravel.
Dominique rappelle que le ballet représente la convergence de plusieurs arts, la musique, la danse, la chorégraphie, la création de décors et de costumes, la mise en scène, les éclairages. Elle pense en particulier aux décors de Picasso chez qui « tout est une fête virtuelle, un défi, une source d'inspiration ». Ses danseurs favoris ? « Natalia Bessmertnova, Rudolf Noureev, George Balanchine, Mikhaïl Barychnikov et Svetalna Zakharova. » Oui, elle aime particulièrement les danseurs russes, surtout Noureev dont elle admire l'esprit rebelle et ceux du Ballet national de Cuba, dont Alicia Alonso, danseuse aveugle. Ses théâtres préférés sont d'abord le Bolchoï puis l'Opéra Garnier de Paris.
Ses meilleurs moments ? « La première représentation de L'oiseau de Feu avec 30 minutes d'applaudissements, Nijinski exécutant l'entrechat 10, Noureev demandant l'asile politique puis, assistant au terme de sa vie, dans les coulisses, à la représentation de La Bayadère. »
Est-elle trop puriste ? Oui, elle aime moins les ballets modernes ou contemporains et s'il n'y a pas de pointes, elle renonce à regarder. Avec humour, elle concède « je sais ce que je perds ».
Martine Lapeyrolerie