La spiruline, qui doit son nom à sa forme, est apparue il y a 3 milliards d’années. À la base de la chaîne alimentaire animale, elle est en passe de devenir le meilleur nutriment pour l’humanité au XXI^e siècle selon l’OMS.

Mi algue mi bactérie, elle a une structure très simple et sa reproduction, par simple scission des brins, lui assure une croissance très rapide et la formation d’une magnifique crème verte à la surface des eaux saumâtres très minéralisées des lacs de volcans ou de déserts. Elle plonge dans les fonds argileux quand le froid arrive et remonte se tortiller d’aise aux premiers rayons de soleil. Elle a traversé glaciations et canicules grâce à cette vie spartiate qui explique son pouvoir d’adaptation. Pour la cultiver il suffit de reproduire son milieu naturel et lui donner chaleur et ensoleillement

La petite histoire

C’est en Afrique que l’on a compris l’importance des flamands roses. En fréquentant les mêmes eaux que la spiruline, ils la transportent de points d’eau en lacs tout en les fertilisant. Leur couleur rose est assurée par le beta carotène présent dans l’algue. Au Tchad, une population du nord, les Kanembous, récoltent cette algue la filtrent sur sable, la sèchent, en font des galettes vertes qu’ils mélangent à leur alimentation et présentent un état sanitaire remarquable.

Au Mexique, Cortès, dans ses mémoires, décrit les prouesses sportives des habitants du lac Texcoco ; ce n’est qu’en 1960 que les gérants de l’usine locale d’extraction de bicarbonate dont les turbines s’encrassaient d’algues vertes ont eu le déclic et sont maintenant devenus producteurs de spiruline. Aujourd’hui la spiruline voyage dans les rations alimentaires de la NASA.

Le val de l’Eyre

Il y a 5 ans, Jean Baptiste Vin Ramarony a introduit une souche du Tchad dans ses premières serres ; sur 400 m², la petite algue prolifère dans de l’eau des Abatilles avec le bon air de ce coin de paradis. 100 m² lui donnent 70 récoltes de mai à octobre soit 1 kilo tous les 2 ou 3 jours. L’algue est ramassée crémeuse, filtrée sur un tissu calibré, égouttée et pressée pour obtenir des spaghettis Étalés sur des claies, ils sont séchés à 40 degrés puis transformés en granulés, poudre ou comprimés sans aucun conservateur. Commercialisé en direct ou en circuit, cet aliment miracle a tout pour réussir !

Le secret : une eau pure, du soleil et un séchage doux pour assurer une composition optimale et un joli tortillon caractéristique de bonne santé ! Jean Baptiste a un projet en Afrique où de nombreuses fermes de spiruline se montent pour lutter contre la dénutrition.

Au menu

D’abord un taux stupéfiant de 70 % de protéines végétales digestibles à 95 % dont les acides aminés essentiels (que le corps ne peut fabriquer ) et une protéine bleue, la phycocyanine, immunostimulante et anti oxydante. S’y ajoute une très grande richesse en minéraux : fer et calcium (26 fois plus que dans le lait) mais aussi cuivre, sélénium, potassium etc. Toutes les vitamines du groupe B sont présentes, carotène et vitamine E. Glucides et fibres complètent le tableau : la phycocyanine, de composition voisine de l’EPO, assure la récupération musculaire et lutte contre les blessures fréquentes des athlètes qui en font une grosse consommation. Les végétariens voient le moyen radical de se débarrasser du règne animal (une pièce de bœuf ne contient que 25 % de protéines et on connait les ravages de l’élevage sur l’environnement). Les écologistes triomphent : la culture de la spiruline est très économe en eau pour un excellent rendement, elle consomme des tonnes de CO² et sa production hors sol garantit l’absence totale de pesticides.

L’industrie contre la ferme

La Chine, les USA et le Mexique se partagent la production industrielle par milliers de tonnes. Les 100 spiruliniers de France, pionniers en Europe, garantissent la qualité et commercialisent leurs 30 tonnes annuelles en direct, dans les AMAP ou sur les marchés. La spiruline reste un complément d’une alimentation équilibrée pour des occidentaux sans carences avérées, mais se présente comme de première nécessité en Afrique ou en Inde où la malnutrition frappe toujours des populations démunies.

À Toulouse, une start-up Alg&You expérimente des phytotières pour produire sa spiruline fraîche at home.

On n’empêche personne de se griller une côte de bœuf mais on rajoute la pincée de spiruline dans le guacamole.

Édith Lavault