Coquettes cocottes
On peut collectionner des tableaux, des timbres, des chevaux de course et des voitures anciennes. Ce couple, lui, a décidé de se lancer dans un élevage peu ordinaire : celui des volailles de races oubliées.
Dès le franchissement du portail, le « la » est donné, ou plutôt, la symphonie des cocoricos perçant le silence de ce coin des Landes girondines. Les poules sont partout, groupées autour de leur « chef de famille » dans de vastes parcs où elles picorent sereinement, sans se soucier des visiteurs.
Un patrimoine vivant
Benoît Ducasse et sa compagne Séverine ont l’accueil aussi simple et confiant que leurs pensionnaires. Heureux de faire partager leurs découvertes, ils nomment les volatiles, décrivent leurs caractéristiques, racontent leur histoire sur le ton de la passion.
Tout a commencé par l’achat de quelques pondeuses pour la récolte d’œufs frais destinés à leurs trois enfants. Mais pas des bêtes banales, non ! Séverine précise leur volonté : « Il faut des animaux de prix, des espèces faisant partie de notre patrimoine, que l’on a oubliées au profit des élevages industriels. Nous voulons reconstituer une volière composée de poules en voie de disparition. »
Photos de Any Manuel
De fait, on ne se lasse pas d’admirer ces spécimens présentés par Benoît : « Voyez celle-ci, remarque-t-il, noire avec de petites cornes rouges, c’est la Poule du diable; cette autre noire, c’est la Crève-cœur, rendue célèbre par Henri IV et celle-ci, qui ressemble à un coucou, vous devinez son nom ? Et ces autres, au plumage festonné ; la petite Bassette liégeoise a été reconnue d’intérêt mondial au cours de la guerre de 14-18 parce qu’elle a besoin de moins de nourriture tout en produisant 200 œufs par an alors que 3 de ses œufs équivalent à 2 œufs standards. »
Se pavanant fièrement, les coqs veillent jalousement sur leur « harem », déployant leurs couleurs flamboyantes, tel le roi, le Brahma maillé aux pattes emplumées ou le Dorking à la crête frisée.
Loïs, l’aîné des enfants, survient avec un échantillonnage d’œufs et l’on s’aperçoit qu’il en existe une grande variété, du gros blanc au doré ou même d’une jolie teinte turquoise.
Des poules et des hommes
Benoît et Séverine justifient leur choix, pour le moins insolite. Benoît est sapeur-pompier professionnel à Bordeaux, ce qui lui pose problème car il affirme : « Je ne tue pas, moi, je soulage et j’aide les gens ! » Et Séverine éprouve la même répugnance. Alors, quelle est la destinée de leurs poules ? Ils ont fondé une association Les cocottes d’Origne (du nom de leur village) qui compte après deux ans d’existence, une quarantaine de membres qui participent aux expositions et marchés, vendent poulets et poulettes et pratiquent des échanges avec d’autres adeptes de races anciennes.
Séverine, connue sur les foires comme La Fée Bidule, confectionne des bijoux en matériaux recyclés et se consacre à une forme de pédagogie. « Je me mets en relation avec les écoles, dit-elle, les enfants sont très réceptifs quand on leur parle d’animaux. Je leur explique les origines de nos protégés et leur apprends à les différencier. Ils réalisent en atelier des dessins, collages, peintures autour de ce thème. »
Comment ne seraient-ils pas émus par les boules duveteuses des poussins ? « Nous favorisons la nature », affirme Benoît, montrant les poules accroupies dans leur nid de paille. Cependant, des criaillements s’échappent de tous jeunes éléments rassemblés sous une lampe tandis qu’une couveuse artificielle se substitue aux mères pour fournir aux œufs la chaleur indispensable qui s’achève par l’éclosion.
Les voici, ces poussins âgés de deux jours qui se promènent maladroitement sur la table. Malgré leur âge tendre, ils présentent déjà des différences notoires.
Ainsi que le notent Benoît et Séverine : « Il suffit de les regarder et de les aimer ! »
Any Manuel