Impasses et venelles

Y a-t-il une meilleure façon de découvrir Bordeaux hors des sentiers battus que de s'inscrire à l'Office du Tourisme pour une visite guidée ? Un choix s'est vite imposé pour L'Observatoire, curieux d'une époque inscrite dans le patrimoine médiéval de Bordeaux, le circuit « impasses et venelles »

Impasse rue Neuve : maison Renaissance de Jeanne de Lartigue, épouse de Montesquieu ( photo de D. Sherwin-White)
Impasse rue Neuve : maison Renaissance de Jeanne de Lartigue, épouse de Montesquieu ( photo de D. Sherwin-White)

Le secteur sauvegardé des quartiers Saint-Éloi et Saint-Pierre est le témoin d'une histoire riche de la ville ancienne. Au XIIIe siècle, Saint-Éloi est un bourg marchand qui s'est étendu au-delà de ses murailles romaines et du cours Victor Hugo. Une nouvelle enceinte est créée au sud. La ville s'est centrée sur la place du Marché-aux-Veaux (Fernand Lafargue aujourd’hui). À l'est et à l'ouest, se trouvent les établissements civils et religieux. Ses impasses, voies sans issue et venelles, petites rues étroites en font son charme ! Il semblerait que ce soit Voltaire qui utilise impasse à partir de 1760 pour remplacer cul-de-sac, jugé indécent. Allons à sa découverte !

 

Quartier Saint-Pierre

Le circuit dure deux heures. Les visiteurs sont une vingtaine, bordelais ou touristes inspirés par cette balade inédite. Mieux vaut avoir prévu des chaussures solides pour aborder les rues pavées.

Suivons la guide en partant de la Place de la Bourse pour rejoindre la Place Saint-Pierre et l'impasse du même nom. « Une anecdote pour chaque impasse » nous dit-elle ! Dans celle-ci, des ouvriers ont trouvé en 1830, en creusant les fondations d'une maison, une statue de bronze antique, cachée, drapée soigneusement. Pourquoi ? On ne sait pas. Actuellement, elle est exposée au Musée d'Aquitaine.

Notre périple continue vers deux rues très étroites, la Rue de la Vache, ou selon la légende une vache se serait échappée et se serait pris les cornes dans les parois.

La rue de la Coquille ou rue du Chai des Farines au XVIe siècle, des chasse-roues ou pièces en pierre sont posées le long des murs des maisons pour éviter que les véhicules les détériorent.

À cette époque, les déchets sont jetés par les fenêtres, le milieu de la ruelle est putride, pour ne pas se salir on se met sur le côté d'où l'expression tenir le haut du pavé.

Dans la rue des Bahutiers, deux maisons de commerçants des XVIe et XVIIe siècle ont encore leurs fenêtres à meneaux (croix en pierre pour soutenir l'encadrement de la fenêtre). Les rebords des fenêtres sont très larges, ils permettaient d'exposer les denrées les plus chères d'où la formule trier sur le volet.

À quelques pas de là, se trouve l'impasse Saint-Georges où on a retrouvé des mosaïques romaines. Ancienne rue Arnault-Jean Fustey (fustey en gascon signifie charpentier). À l'angle de l'impasse, une maison dont la construction est datée, 1582, un couteau, une cuillère, une branche de persil, peut-être la maison d'un aubergiste ou d'un cuisinier.

 

Quartier Saint-Éloi

Le circuit continue vers le quartier Saint-Éloi. Les rues médiévales conservent les noms des spécialités commerçantes, de chaque corporation liée à sa spécialité.

L'impasse Rue Neuve est une véritable surprise. La plus vieille maison de Bordeaux, du XIVe siècle, est située au n° 4, un ancien hostau médiéval. Les riches familles de l'époque avaient fait construire ces luxueuses demeures dont celle-ci est un des derniers vestiges. Au fond de l'impasse, derrière une grille, se trouve dans un espace privé, parmi plusieurs maisons, celle de Jeanne de Lartigue, épouse de Montesquieu, magnifique maison renaissance avec une galerie portée par des chapiteaux.

Nous abordons le dernier tiers de la visite avec l'impasse Fauré (connue en 1381) du nom d'un pharmacien bordelais, anciennement de Montaigne, car sa famille y a possédé plusieurs immeubles.

L'impasse Bouquière, du gascon bouqueyra (en français boucherie) est devenue une impasse privée.

L'impasse Saint James : « Bien prononcer James avec un a et non à l'anglaise » nous indique la guide. « Ne pas oublier que Bordeaux était gasconne avant d'être anglaise. ».

Nous terminons notre visite avec l'impasse Maucoyade, ancienne rue des Coffeys « mal coiffé » en gascon. Au fond le Peugue, une des deux rivières avec la Devèze qui coulent sous le quartier et se jettent dans la Garonne.

 

Martine Lapeyrolerie