Une folie française
À Talence, le château Peixotto reflète à la fois l’opulence et les changements sociaux de la région bordelaise.
par Halima Dauga, texte et photos



Jardin à la française
Il achète donc un bourdieu1 à Talence au sieur Goudal vers 1768 et demande à l'architecte François Lhote de transformer cette propriété agricole en une Folie qui deviendra un lieu de fêtes somptueuses où il accueillera la bourgeoisie bordelaise. Le domaine, à l'origine une simple demeure avec des prés et des vignes, se transforme au fil des ans en une résidence prestigieuse composée d’une chartreuse et d'un jardin à la française. Le tracé géométrique du parc, avec ses allées symétriques et ses bosquets, reflète une vision classique du XVIIIe siècle. À l’époque de Peixotto, la chartreuse était sur un promontoire avec une entrée pour accueillir les carrosses et une façade côté parc comprenant en enfilade le vaste jardin d’agrément avec des parterres de fleurs, des fontaines et même une île accessible par un pont, ce qui en faisait un lieu exceptionnel.
Mais en 1805, après la mort de Samuel Peixotto, ses héritiers se voient contraints de vendre le domaine. Celui-ci passe alors entre les mains de différentes familles.
C'est le baron François Xavier de Espeleta qui cède en 1877 une partie du parc à la mairie de Talence qui y construit une mairie et une école. Le Docteur Badal, propriétaire suivant, cède en 1883 une autre partie à la Faculté de médecine pour réaliser un jardin botanique.
En 1896, le domaine est acquis par le baron de Luze, important négociant en vins de Bordeaux. Il entreprend avec l’architecte Louis Alfred Maistre d'agrandir, de surélever et de rénover le château pour sa famille. Il lui donne sa forme actuelle : un aspect néo-classique tout en conservant son charme d'origine. Le fronton curviligne au-dessus du porche de l'entrée principale fut édifié au cours du XIXe siècle. Il contient lui aussi un décor de guirlande.
Ambiance bucolique
En 1934, la ville de Talence devient propriétaire du domaine et y installe son hôtel de ville. Plusieurs parties du château sont inscrites aux Monuments historiques à différentes époques :1932, l’escalier ;1935, les façades et toitures, la décoration du salon central côté parc et l'escalier en pierre avec sa rampe en fer forgé ; 2022, l'entrée du domaine et le pavillon de musique situés cours de la Libération.
Le parc continue de séduire par son ambiance bucolique, et le jardin botanique, toujours en activité, constitue un véritable joyau pour les amateurs de plantes. Le jardin français est l’écrin de la demeure, à la différence des jardins antiques et arabo-andalous qui étaient des jardins habités en continuité avec la demeure. Le jardin est dessiné comme un édifice, en une succession de pièces que le visiteur parcourt, soumis à des surprises, des repos et des perspectives, des lumières et des ombres, des allusions et des illusions. Ce type de jardin exploite la géométrie, il est dessiné de manière très linéaire. Grâce au passage du ruisseau d’Ars (aujourd’hui entièrement enterré) le jardin fait la part belle aux aménagements hydrauliques avec bassins et jets d’eau. Sans oublier l’orangerie, un classique de l’époque.
Le parc et une partie du jardin sont ouverts au public2. Les joggeurs font le tour de la pièce d’eau et, par beau temps, les pelouses se couvrent de visiteurs. L’îlot central, accessible par deux ponts, avec sa vue dégagée sur le château est un endroit de prédilection pour les photos de mariage. Les principales animations de plein air (fête de la musique, nuit des lumières, feux d’artifices …) se font dans le parc redevenant le lieu de festivité et de détente de ses origines.
1 bourdieu mot gascon : une maison à la campagne
2 Le parc est accessible par le TRAM B, arrêt Peixotto
Le jardin botanique
La Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux crée le jardin botanique en 1884. Alors que le parc a gardé son tracé ancien de jardin à la française, le jardin botanique a été aménagé dès le départ à l’anglaise. L’actuelle orangerie et la serre tempérée sont construites à cette époque. Longtemps abandonné, en 1992, il recouvre sa richesse scientifique d’antan et obtient, en 2007, le label Jardin botanique de France et des pays francophones, agrément acquis par seulement une trentaine d’autres jardins. On y trouve des plantes médicinales, aromatiques, industrielles, alimentaires et toxiques qui servent encore aujourd’hui d’illustration pour l'enseignement de la botanique.