Les Andes à deux pas

Toutes les photos sont de D. Sherwin-White

À travers son artisanat, la Maison du Pérou de Bordeaux nous transporte au cœur de l’Amérique Latine.

 

« Notre terre a l’arôme du café frais

Mêlé au langage mythique de la coca » prévenait le poète et philosophe péruvien Émilio Paz.

Pousser la porte de la Maison du Pérou située rue Saint-Rémi à Bordeaux, c’est approcher cette terre et plonger dans un univers coloré où vêtements, bijoux, instruments de musique, tapis, tableaux et objets divers nous transportent sur les Hauts Plateaux des Andes. Juan Vilches est directeur de la Maison du Pérou, Consul Honoraire et Président de l’association Bordeaux-Lima, créée en 1956 et suivie en 2001 d'un jumelage entre les deux villes. Il fait volontiers part de ses activités.

L'Observatoire : Quelles sont les spécificités de la Maison du Pérou ?

— Juan Vilches : L’objectif est de créer un lieu pour valoriser les articles de l’artisanat péruvien en privilégiant la commercialisation sans intermédiaire et dans le respect du commerce équitable. Une fois par an, je me rends sur place pour rencontrer les artisans qui se situent dans le sud du pays : Cuzco, Puno, Arequipa où se trouvent les plus grosses filatures et aussi dans les petits villages. On utilise les ressources naturelles, en particulier la laine de l’alpaga dont on pratique l’élevage à partir de 4 000 mètres d’altitude, avec celui des lamas. Dans les années 1940/50, les Anglais ont été les premiers à importer cette laine chaude et solide. Le tissage se fait principalement dans de grandes filatures, autrefois artisanales. On mélange maintenant l’alpaga avec d’autres fibres comme la viscose pour en augmenter la résistance. Dans les petits villages du sud du pays, on pratique encore le filage de l’alpaga à la quenouille pour les étoffes et les vêtements tels que les ponchos.

— Quels autres matériaux sont utilisés ?

Le pays est riche aussi en minéraux : étain, cuivre, or et argent utilisés pour les bijoux ou des statuettes représentant des animaux. Les artistes s’inspirent des œuvres de l’art inca et du baroque espagnol.

D’autre part, on utilise le bambou de la forêt amazonienne pour la fabrication des flûtes. Plus le bois est fin, meilleur est le son. Il existe plusieurs sortes de flûtes : la quena est la plus connue, elle a plusieurs tonalités permettant un répertoire musical varié. Le musicien en joue seul ou à deux selon la répartition des notes. La flûte de Pan, trouvée dans les tombeaux antérieurs à l’arrivée des conquistadors, était en argile.

Le Pérou produit aussi du coton, classé parmi les meilleurs du monde grâce à deux variétés : le Pima que les Incas cultivaient déjà et le Tanguïs dont les fibres longues donnent un coton résistant et brillant. Ce n’est pas un hasard si les vêtements de la marque Lacoste sont tissés sur la côte.

 

Avec les bois de la forêt, on fabrique des masques, des meubles et des petits objets. Sur la côte, on fait des calebasses utilitaires ou décorées à la pyrogravure, certaines destinées à la dégustation du maté.

— Combien d’artisans sont concernés par le commerce équitable ?

— Pour l’alpaga, on travaille avec une dizaine de personnes, chacun a sa spécialité. Il y a quatre créateurs de bijoux, deux pour les instruments de musique et un sculpteur sur bois. On propose des modèles ou on aide à améliorer la production, c’est notre rôle de formateur. Une fois les pièces contrôlées, le transport par avion s’organise.

— Comment faites-vous pour améliorer la production ?

— Je me suis aperçu que l’artisanat étant pratiqué depuis longtemps, les artisans produisaient beaucoup mais ils n’avaient pas de formation, le résultat était parfois mal fini et l’on ne profitait pas de la matière. On a décidé de travailler avec eux pour améliorer la qualité, respecter les tailles, les couleurs étant trop vives pour le client européen, on modifie les mélanges. Il y a plusieurs sortes de teintures : avec des plantes, des feuilles ou des écorces de la forêt. Le noyau d’avocat est utilisé pour les bruns, l’indigo pour les bleus, la cochenille pour les rouges, pour l’ocre, on utilise des minéraux. Lorsque l’on travaille de façon artisanale, les couleurs durent très longtemps mais le procédé est long c’est pourquoi beaucoup de fabricants ont recours aux produits chimiques. Dans les petits villages, on préfère produire moins d’articles mais garder la tradition artisanale et garantir la qualité.

— Qu'apporte le commerce équitable dans la vie des artisans ?

— La production de masse est remplacée par une production moins importante mais de meilleure qualité et mieux rémunérée. C’est un échange, les artisans apportent leur savoir-faire, les commerçants les aident à valoriser leurs articles en travaillant moins mais mieux et en gagnant plus.

 

Pour qui envisage un voyage au Pérou, Monsieur Vilches peut aider à la préparation du voyage.

 

Andrée Melet

 

Siku : Chuli, Malta, Sanka